En direct du chaos originel, notre journée fut assez ensoleillée, ici sur Athènes. Mais quelle nuit la précédente ? Celle des Longs Couteaux politiques, chez les députés et ministres du Pasok (le P.S. grec), défections, engueulades quasi publiques, mises au point, revirements et dès ce matin voilà le soutien supposé unanime du gouvernement grec au référendum, pour paraphraser le titre du journal Le Monde Vendredi, Georges Papandréou, notre... Prince du Chaos demandera la confiance de ses députés restants, et là encore rien n'est acquis. Hier soir déjà, une fois n'est pas coutume, nous avons suivi avec intérêt, les déclarations du chef de l'opposition (de la droite) Georges Samarás; annonçant son intention de bloquer le processus qui conduit au référendum et par la même occasion, de faire tomber le gouvernement, en faisant par exemple démissionner en bloc l'ensemble des députés de son parti, la Nouvelle Démocratie (N.D.)
Les médias s'affolent, puis nous, nous nous demandons étonnés; dans la rue, autour des tables et dans les couloirs du métro, comment la Grèce est devenue une telle “force économique”, pour ainsi faire trembler au moindre referendum, les tenants de l'économie mondiale. Comment de surcroit, cette architecture qualifiée de forte et de si solide, l'euro, puisse être tant menacée par la seule défection possible d'un petit membre et en plus boiteux, mystère. “Il y a d'autres enjeux, cela nous dépasse”, on entend ici ou là.
Et du referendum ? Nous ignorons encore tout, aura-t-il réellement lieu ? Qui va poser les questions et lesquelles ? “J'suis satisfait, au moins nous avons mis le b... sur toute la planète”, me dit ce midi un ami informaticien. Il occupe un poste névralgique au sein d'un organisme semi-public de recherche et d'innovation en nouvelles technologies. Ici au moins les gens semblent moins moroses. Leurs salaires, même amputés, sont versés à l'heure, ainsi leurs discussions passionnées tournent autour d'autres particules, sans doute élémentaires. Ces chercheurs hi-tech, innovent sans doute plus utilement que nos économistes, si on juge par les résultats au moins, disons-nous en rigolant. Puis qu’sein de cet établissement, la cafeteria est moderne et propre. On mange encore pour pas cher et bien. “Mais tu sais - ajoute-t-il - je ne déjeune plus tous les jours ici, j'apporte un fruit, du pain et des olives depuis la maison, mon salaire a été sabré à la tondeuse des Troïkans, moins 50%, c'est à dire je touche 425 euros la quinzaine, 289.000 drachmes par mois, je viens de calculer. J'ai retiré ce matin de la banque mes maigres économies et je stocke déjà le lait pour le bébé. Je peux tenir sans salaire jusqu'à Pâques, ensuite... eh bien, retour sur mon ile, chèvres et jardin, la subsistance quoi !”
Entre temps, Georges Papandréou prend l'avion pour Cannes. Lui et son ministre de l'économie, Venizélos, le “grand malade” d'hier, (il a été mystérieusement hospitalisé à cause d'une appendicite, soignée en cinq heures).Tout grec a en ce moment une pensée pour eux, bonne ou mauvaise, surtout mauvaise je crois. On se demande sinon, si c'est pour la bataille de Cannes ou pour le festival ? En tout cas notre Papandréou mérite la palme d'or pour le meilleur scenario. Le thriller de l'année, “L'arbre de la faillite et la foret de l'euro” peut-être. Avec un jury très remonté et surpris. Sauf que d'ici bas, le peuple ne croit plus à l'effet surprise de la séquence Papandréou. En tout cas, certains devaient savoir, aux États-Unis notamment et même en Allemagne. Nous avons ainsi largement commenté dans nos médias et entre nous, l'article de Der Spiegel en version électronique de ce matin, intitulé “Bravo Herr Papandréou !”. Selon l'argumentaire allemand, une réponse positive à ce referendum, rendra les choses enfin claires concernant la gestion de la Grèce et la mise en place des mesures nécessaires, rendant par la même occasion illégitime toute manifestation ou grève contre cette politique.
Donc nous comprenons mieux maintenant. Les dernières manifestations spontanées des citoyens ont fait peur. Est-ce alors là, la seule vraie crainte des “marchés” et des banques ? Dans l'euro, le pays sera certainement “géré” en colonie et sa mise en place a bien commencé.
Autre nouvelle surprise d'hier soir - qui a provoqué la colère de tous les parties politiques de l'opposition - et rendu très sceptiques les citoyens, a été le limogeage et la mise à la retraite de l'ensemble du Grand état-major, armée de terre, de l'Air et marine nationale, par le Ministre de la Défense, Panagiótis Beglítis. Le ministre a aussitôt mis en place une nouvelle haute hiérarchie, sans donner la moindre vraie explication. Pour un gouvernement qui vacille, nous nous demandons déjà à qui cet état-major nouveau, est censé se montrer fidèle ou docile.
Dans le métro une vieille dame a lancé à ce propos: “Ils ont peur de l'armée ou quoi, qu'on fusille tous ces politicien de haut rang et qu'on enferme les autres en rouvrant les camps de prisonniers sur les iles...” Silence dans toute la rame.
Hier soir, les banques, autour de la place de la Constitution renforçaient leurs grillages et autres protections. Un pressentiment ?
“Voulez-vous la guerre totale ?” a demandé Joseph Goebbels, dans une allocution prononcée le 18 février 1943 au palais des sports de Berlin devant 14 000 membres du parti nazi, et l’auditoire en transe répond: Oui. On dirait que la BCE et la Troïka, posent cette question un peu différemment aux Grecs: “Voulez-vous la dette totale ?” Quelle sera la réponse ? (Quels autres peuples vont-ils passer l'interrogatoire bientôt ?)