Greek Crisis
  • Following the latest changes to the commercial policy, Google's automatic translation and consequently our site no longer works.
    We suggest that you use our site in French.
    • Suite aux dernières modifications de la politique commerciale, la traduction automatique de Google et par conséquent notre site ne fonctionne plus.
      Nous vous suggérons d'utiliser notre site en français.

Wednesday, 3 April 2013

Liaisons stériles/Unproductive links



De toute évidence (restante), nous serions encore un peuple de marins. Les poètes et les écrivains d’ici, ont trempé leurs mots plus d’une fois en mer Égée, avant de les restituer à nous, et aux autres lecteurs du vaste monde et de l’infaillible. Les îles de l’Égée ainsi que Chypre, ont ainsi inspiré, comme tant d’autres républicains des lettres, nos deux prix Nobel de littérature, Georges Séféris (1963) et Odysséas Elýtis (1979), et il serait absurde de penser que leur univers se soit fait par hasard. Parmi ces îles, de nombreuses destinations, y compris dans les Cyclades sont desservies par ces liaisons maritimes que depuis déjà longtemps, les marins, les armateurs, les autorités et d’abord les usagers, les surnomment alors “stériles”. Et ceci bien pour cause, s’agissant de lignes subventionnées et dont la fréquence ainsi que l’âge des bateaux ont souvent laissé à désirer comme on dit communément.

Port de Lavrion, mars 2013

Mais finalement, ce désir n’a jamais manqué, ni aux armateurs... exploitants de ces liaisons, car souvent ils ont été d’abord les principaux gagnants, ni aux marins, et encore moins et surtout, à ces populations éparpillées des Petites Cyclades ou de la Micronésie du Dodécanèse. C’est ainsi que depuis Anafi ou Kimolos, on doit faire preuve de patience, et ceci jusqu’à une semaine entière, avant de voir le bateau desservir le port, ou plus exactement la jetée rudimentaire et si difficile à aborder par gros temps. Et pas si rarement qu’on ne le pense parfois. Évidemment, nous sommes assez loin de l’image prétendument paisible et reposante de ces îles et de leurs stéréotypes issus d’une certaine idéalisation de la période estivale.

Jacques Lacarrière n’est plus et avec lui sans doute, tout un autre “Été grec”, prolongé et inaltérable qui a laissé sa place aux mutations de la... nouvelle vague des... “crustacés” de la globalisation alors multicouche. Et nous nous sommes engloutis depuis paraît-il. En dernier recours, le troïkanisme intégral et intégriste, par la force des choses et des êtres qui lui sont porteurs et “supporteurs”, a fini par imposer un “Usage du monde”, aux antipodes de celui du voyageur suisse Nicolas Bouvier par exemple. L’austérité qui n’est plus la litote cycladique, menace depuis quelques mois le maintien de certaines liaisons maritimes, surtout hors saison, imposant une fois de plus et de trop un brusque retour aux années 1950, sauf pour ce qui est du niveau des prix, exprimés désormais en devise étrangère, c'est-à-dire en euros. Nos poètes n’avaient (presque) pas prévu la Charybde monétaire, tout comme ces deux dernières générations des habitants des Cyclades n’avaient pas vu venir cette suite au temps de la parenthèse (facile). C’est ainsi que les Troïkans avaient déjà suggéré à mi mots il y a quelques mois, le déplacement de certaines populations demeurant sur les “îles stériles”, pour que cela permette des “ajustements nécessaires” quant au coût des infrastructures et de la gestion des liaisons maritimes, forcement peu rentables. Sauf que l’insularité est d’abord un droit fondamental.

Port de Lavrion, mars 2013

Historiquement, les politiciens grecs ont eu déjà assez de mal à comprendre les enjeux de l’insularité, sauf pour ce qui tient à leurs intérêts restreints (et à leurs réseaux clientélistes), on peut alors s’imaginer l’attitude des agents de la Troïka à ce sujet et par les temps qui courent. Sauf que notre petit monde... pélagique se bat et résiste comme il le peut, provoquant (et rencontrant) à sa manière, toute cette cristallisation des représentations du moment: c’est aussi ainsi que nous résistons.

Il y a à peine une semaine, une petite vidéo (sur youtube) a fait d’abord le tour de l’internet et de la blogosphère grecque avant son adoption par la “grande” presse, comme To Vima. Cette vidéo, montre l’accostage difficile du ferry Adamantios Korais, sur la jetée de Kimolos le 25 mars dernier vers 13h, par temps de houle et de tempête, alors que la vitesse du vent au moment de la manœuvre dépassait les 45 nœuds (puissance 9). Adamantios Korais, est un Ro-ro/passenger ship de 1987, long de cent mètres et dont la vitesse de croisière ne dépasse pas les 16 nœuds, ce qui correspond à une allure et à un gabarit adaptés aux spécificités des liaisons stériles, et qui par ce temps de crise finira par se généraliser sur l’ensemble des lignes maritimes en mer l’Égée, hors période estivale d’emblée.

Isidoros Lignos, 41 ans, originaire de Santorin, est ce capitaine d’Adamantios Korais, devenu notre héros méritant de la fin mars, à défaut disons-nous d’autres héros politiques ou syndicaux, (et) notamment dans ce pays (ou bien au-delà apparemment). Ce qui est nouveau dans cette affaire, tient par contre de la médiatisation et de la portée politique et symbolique d’un tel exploit, qui n’a rien de... radicalement exceptionnel, dans la mesure où les infrastructures défaillantes de nombreuses îles laissent à désirer et surtout à craindre le pire. Nous ne pouvons alors que compter sur la dextérité des marins et sur... Saint Nicolas, d’après certains commentaires parmi les lecteurs avertis des blogs et des vagues de l’Égée. Le maire de Kimolos, par un communiqué, a même publiquement félicité le capitaine Isidoros, car une fois de plus (ou de moins, c’est selon), son île n’a pas été coupée du grand reste. D’autant plus que dans ce genre d’approches on frôle toujours l’accident et que ces manœuvres engagent l’entière responsabilité des commandants, puisque les autorités maritimes ne les obligent pas à desservir coûte que coûte tous les ports en pareilles conditions. En tout cas, ce 25 mars, les heureux... rescapés de la classe moyenne, de la classe pont, et de la tempête, les rares proto-touristes ainsi que les Kimoliotes, eux-mêmes en attente de vivres ou de médicaments, ont été enfin si soulagés. La Grèce entière a applaudi, tandis que la presse de l’extrême droite nazifiante des nostalgiques des Colonels, n’a pas perdu cette occasion pour ainsi saluer les “qualités de la race”, preuve que ce pays, s’ouvre désormais à d’autres inepties mais également tempêtes, décidément plus redoutables que celles de l’archipel.

Fiasco prémédité, Athènes, le 31 mars

Isidoros Lignos, apprenti marin à l’âge de 15 ans et capitaine depuis 2007, puis tous les autres marins du pays de l’archipel, subissent et subiront davantage, des diminutions de leurs salaires, tout comme les ouvriers des ports ou les garde-côtes (800 euros par mois) que l’on voit sur ces séquences et dont les soldes ont sensiblement diminué depuis le mémorandum I, il y a pratiquement trois ans, en ce mois d’avril 2013. La caisse indépendante des marins et officiers a été de force intégrée dans le système dit global depuis la refonte du système, les armateurs ayant en même temps pratiquement imposé ce grand appareillage dans les rémunérations des marins vers le nouveau port de l’austérité. On généralisera les 500 euros par mois alors, puis les 300 euros, marins compris et de toute mer. Jusqu’au jour où par l’optimisation insulaire ou par un néologisme du genre et par ordonnance du gouvernement d’alors, certaines îles seront substantiellement vidées de leurs habitants. Depuis Chypre d’ailleurs, tout le monde sait ici que l’on peut s’attendre à tout, la routine de l’impossible et la culture du rassurant ont reçu depuis ce 25 mars à Chypre un coup en somme fatal. Et peu d’analystes de la grande presse du soir ou du matin, ont été émus par la suppression de fait par l’Eurogroupe du 25 mars, du Parlement chypriote et de ses récentes délibérations.

Place de la Constitution, le 31 mars


Mais pareillement depuis Kimolos, dans un sens... retourné. Nos pays entiers du Sud européen, sont en phase de devenir ces destinations socialement et politiquement stériles. Les élites locales, jamais perdantes, ont tout fait pour y parvenir, ainsi que les bancocrates de gros calibre depuis Berlin ou Bruxelles par exemple. On apprend que certains proche du Président Anastasiadis à Chypre, auraient transférer leurs dépôts en banque ailleurs, quelques jours seulement, avant le... débarquement (final ?) de la Troïka à Limassol. La presse chypriote et grecque croit déjà savoir que les contours du Mémorandum II sont déjà visibles et prévisibles, licenciements, austérité et économie déréalisée. La Troïka vient aussi d’exiger de Nicosie le licenciement de 2000 enseignants, pour commencer déjà. Rien de très nouveau dans la politique d’austérité et de mise à mort des peuples du Sud de l’Europe, sous le règne du nouveau reichsmark euro, qui paradoxalement conserve sa même valeur nominale à Nicosie et à Berlin. Pour l’instant. Affaire à suivre sans doute.

Comme celle des mobilisations des peuples qui n’auraient rien d’automatique ni d’évident. Là aussi il y a urgence. Hier soir, place de la Constitution dans une parodie de manifestation, organisé par les syndicats compromis du népotisme et des fonds structurels de l’UE, et soutenue par la composante officielle de Syriza, peu de citoyens ont répondu à l’appel et pour cause. Depuis deux semaines, tout le monde s’attendait ici à Athènes à ce que les syndicats et surtout les partis de gauche organisent des manifestations de soutien et d’indignation à propos de Chypre, mais finalement rien. Cette absence de réactions à chaud a choqué beaucoup de monde, rajoutant du dégout au désespoir. Syriza et le parti communiste (KKE) sont en plus secoués par d’importantes secousses internes, il était alors temps.

Doxa du moment, Athènes, le 31 mars

Notre crise est alors... en crise elle-même, dans le sens... tautologique où elle s’éternise et où les expressions politiques qui devraient prendre les règnes (certes improbables) de l’autre futur sont en train de tergiverser, à gauche en tout cas. Ce matin sur une chaîne de télé, (extraits reproduits par la radio Real-FM en ce premier avril), Yannis Milios, économiste de Syriza, a dévoilé... un Plan B qui consisterait, non pas d’imprimer des drachmes mais des euros, (sic), sous-entendu, passant outre des règles imposées par la BCE et les directoires autoritaires de la constellation des pays du nord. Aujourd’hui c’est le premier avril, mais de toute manière Wolfgang Schäuble apprécierait ces demi-mesures envisagées par Yannis Milios.

Syriza Foutaises, Lavrion, mars 2013

Décidément, il s’avère plus héroïque d’accoster l’Adamantios Korais à Kimolos sous la tempête, que la Gauche radicale (ainsi que toutes nos gauches) sur l’embarcadère de l’autre futur pendant qu’il est encore temps. Mais de toute évidence, nous serions encore un peuple de marins...

Ils ne peuvent pas nous briser, nous avons sept vies, Athènes, le 31 mars




* Photo de couverture: Port de Lavrion, mars 2013