Greek Crisis
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Monday 20 May 2013

Plan B



L’été grec offre parfois encore ce faux goût d’invulnérabilité généralisée, comme dans une démocratie de masse bien trop mûre. Ce n’est qu’un goût certes agréable, et de ce fait “toujours bon à prendre car déjà, nous n’avons plus froid dans nos appartements”, aux dires des athéniens et des autres habitants du territoire helladique, surtout en ce temps des pénombres historiques avérés. D’autres, prétendent que de nombreux citadins auraient définitivement quitté la ville pour nos campagnes ou pour nos îles à l’instar des voisins de palier, qui bien que propriétaires de leur appartement, ont quitté Athènes pour Chios, leur île dont ils sont originaires.

Ville de Trikala, le 17 mai

Et comme dans l’entourage de tout un chacun il y a désormais au moins un nouvel émigrant à l’étranger, il y a fort à parier que depuis quelques mois, de nombreux habitants de la région d’Attique ont quitté les lieux. “C'est pour cela, que cette impression de calme supposé revenu règne autant. La vie et ses apparences, tourneraient avec 30% de la population qui ne s'est pas encore appauvrie. Nous autres paupérisés, soit nous ne sortons plus de chez nous devenant ainsi invisibles, soit nous avons quitté les villes, voire le pays”, affirme D., mon ami journaliste qui vit une fois de plus et de trop grâce à la solidarité de ses amis et de sa famille. Il a retrouvé du travail mais cela ne suffit plus chez nous, cela fera bientôt trois mois que son salaire déjà réduit de moitié comparé à l’avant mémorandum, n’est plus versé par son employeur. C’est ainsi que nombreux sont ceux qui finissent par quitter carrément le pays, “ailleurs, on peut gagner peu mais au moins c'est garanti”, entend-on dire ici ou là en ce moment. Les données statistiques et démographiques précises manquent évidemment, mais on peut néanmoins se faire une idée des réalités et des déréalisations en cours, lorsqu’on considère par exemple le nombre croissant d’appartements inoccupés à Athènes et ceci, tout quartier confondu. On n’en saura pas davantage pour l’instant, et encore moins en lisant les dernières livraisons de la presse grecque.

Les journaux du week-end dernier et de ce lundi, préfèrent alors s’attarder sur “les retombées prévisibles du voyage d'Antonis Samaras en Chine et en Azerbaïdjan, car la Chine ne serait qu’un début”, quotidien “Ta Nea”, ou encore épiloguer sur le dernier épisode houleux au “Parlement”, entre les députés de l’Aube dorée et ceux de SYRIZA. La phrase “Heil Hitler” a même été prononcée d’après les reportages, par un député de la Gauche radicale sous forme d’ironie, tandis qu’une partie de la presse s’entredéchire depuis afin de déterminer, dans quelle mesure cette “phrase”, n’aurait pas été d’abord lâchée par les élus “Aubedoriens” eux-mêmes. Lesquels, et comme tout le monde sait, n’ont jamais caché une certaine... promiscuité idéologique, voire “pratique”, avec les sinistres préceptes du nazisme. SYRIZA est en train de pédaler au moyen d’un antifascisme, certes justifié, mais issu du passé et surtout, qui ne tient pas compte du discrédit du régime parlementaire chez les citoyens.

Naomi Klein à Athènes”. Affiche, mai 2013

D’autant plus que la réponse d’ailleurs peu claire, celle potentiellement apportée par de SYRIZA, pour ce qui est du cœur du problème actuel et qui n’est pas l’Aube dorée, n’arrive plus à convaincre et cela pour cause. Car, dans le paysage politique de la Grèce paléo-démocratique, c'est-à-dire celle de l’avant mémorandum considéré comme une forme de “dictat de Versailles”, et au-delà de tout anachronisme, l’Aube dorée n’avait aucune base électorale. Dans le même ordre “d'anachronismes réalisés”, l’extrême-droite du LAOS, n’a rejoint la Nouvelle démocratie et par la même occasion le “gouvernement” du banquier Loukas Papadimos qu’en 2011-2012, réunissant, il faut bien le rappeler, les “socialistes” du PASOK, ainsi que l’ensemble de toute “nôtre” si nouvelle droite précitée. Depuis, tous les gouvernements successifs, ont maintenu certaines formes du régime dit parlementaire ainsi qu’une Constitution sous réserve. Nonobstant cette mascarade de fait, la somme de notre existence politique, économique et sociale est depuis régie par seul le droit des créanciers internationaux et de la Troïka, et ceci se voit, peu importe le bord ou le comportement politique de tout un chacun. Voilà le problème... ainsi que son cœur ouvert.

Le penseur grec Panagiotis Kondylis, avait affirmé que la notion de l’économie devient en ce moment de l’histoire, indissociable de celle de la politique, dans la mesure où à travers la démocratie de masse, l’intérêt commun matérialise le droit de l’égalité à sa seule manière. Évidemment, tout irait bien lorsque la richesse demeure encore et au minimum redistribuée, et lorsque ce régime réussit tant bien que mal à garantir à la pléthore de citadins, la nourriture et l’énergie nécessaires, lorsqu’on sait que ces derniers n’en produisent aucunement. Kondylis pensait qu’aucune politique n’est viable au sein de cette démocratie dite de masse, à partir du moment où elle ne peut plus garantir un minimum d’existence matérielle aux grandes masses humaines, voir notamment son essai, Planetarische Politik nach dem kalten Krieg, Berlin, Akademie-Verlag 1992. Visiblement, ce n’est plus le cas, et ce serait la fin des démocraties de masse aussi pour cette raison, c’est en tout cas une piste sur laquelle il va falloir méditer, et pas que du côté de SYRIZA par exemple !

Marche pour la Paix en mémoire de Grigoris Lambrakis. Athènes, 19 mai

L’autre non-événement de la journée d’hier, fut la marche pour la Paix et en mémoire de Grigoris Lambrakis, organisée par les sympathisants et les membres du PC grec, le KKE. Non-événement, en raison de la participation, car insignifiante, et ceci, malgré la présence de l’ex-secrétaire du parti Aleka Papariga. En raison aussi, de la distance qui sépare désormais ces symboliques de la gauche et les représentations quasi-unanimes qui animent les individus. Pis encore, la crise, le mémorandum et la paupérisation, renforcent les altérités en créant de la différence ou en y rajoutant, la solidarité quasi générale et si possible planétaire prônée par les militants de la gauche, surtout en abusant d’un idiome politique devenu désuet, devient difficile à admettre, le message ne passe plus. Inutile de dire que les adeptes de la “grande altérite” à savoir les Aubedoriens, “s'y retrouvent mieux” avec le situationnisme d’époque. Tout comme, le... Troïkanisme réellement existant, grand adepte de la différence à sa manière, et qui ne fait que fragmenter jusqu’à l’effondrement, l’implosion, l’anthropophagie et peut-être l’explosion à terme, de ce qui en restait du tissu social.

En attendant, le goût de l’invulnérabilité généralisée et agréable de cet été, incite déjà les individus à fréquenter les plages plus que de manifester, mais tout est si précaire désormais chez nous que tout peut changer. Comme près de Marathon, c’était ce week-end, où les altérités tout de même inévitables se sont rencontrées, et où un immigré alors venu à vélo, observait les autres pratiquants de la plage, mais à distance.

Plage près de Marathon, le 18 mai

Et de même sur cette plage, la détente n’était plus aussi évidente que par le passé, si l’on juge par certaines discussions ou échanges. Au sein d’un jeune couple venu depuis les quartiers nord d’Athènes par exemple. “Alors voilà, nous n'avons pas acheté de livres cette année pour lire sur la plage. D’ailleurs, nous n’achetons plus rien à part la nourriture et à la limite, tout juste l’essence pour arriver jusqu’ici. Ne plus atteindre nos objectifs en petits suppléments de vie comme avant, c’est comme nous trouver dans un coma. Ah... cette crise est loin de se terminer”. Tout coma mis à part, les militants du PC avaient marqué une halte dans les quartiers nord d’Athènes, avant d’attendre le centre-ville, en mémoire de Grigoris Lambrakis, à l’heure où des nombreux “autres”, s’apprêtèrent sans doute à quitter nos plages.

Les militants du PC. Halte à Agia Paraskevi, le 19 mai


Et comme une certaine décroissance oblige car en marche forcée, certaines des rocades de l’agglomération, restent souvent vides. Ironie du... mauvais sort, Antonis Samaras a inauguré il y a peu, la reprise des travaux d’une autoroute oubliée dans le Péloponnèse. On aurait cru, mais ce n’est même pas, à une piètre paraphrase du New deal et des autoroutes qui ne mèneraient nulle part.

Rocade en Attique, le 18 mai

Du New deal et de la crise de 1929, il était en tout cas question au comité d’économistes hier dimanche à Athènes, et dans le cadre du lancement officiel et programmatique du nouveau parti de gauche “Plan B”. Initié par Alekos Alavanos, il fut en quelque sorte le mentor d’Alexis Tsipras du temps où il avait assumé la direction du petit parti de gauche que fut SYRIZA à l’époque, c'est-à-dire il y a à peine quatre ans. Alavanos qui n’est pas de la dernière pluie politique à gauche et tout court, après avoir quitté le parti de la Gauche radicale, se positionne désormais résolument en faveur de l’abandon de l’euro, pour ainsi prôner, “une véritable politique économique différente”, aux antipodes de ce qui est pratiqué depuis bien longtemps. L’idée centrale serait en somme assez simple mais loin d’être simpliste: la situation et la voie actuelles, nous amènent tout droit à la catastrophe, voire à l’anéantissement. La Grèce, pays-territoire, risque même de perdre les dernières apparences de son existence légale, tandis que son déclin, y compris sur le plan démographique ne fait guère de doute. Il va falloir changer d’orientation, prendre notre destin en main, quitte à le forcer et à nous forcer et ceci bien entendu, sans pouvoir garantir une sortie heureuse. “Il faut nous rapprocher des gens avec solidarité et amour. Au-delà, et en l'état actuel de la situation, nous ne pouvons rien promettre, ni garantir. Le temps des garanties est terminé. Nous introduisons la seule voie alternative possible en passant par l’effondrement si nécessaire, ce dernier serait devenu même inévitable”, a dit Alekos Alavanos, cité de mémoire.

Au lancement du parti du “Plan B”. Athènes, le 19 mai

Le débat entre les économistes présents aurait déjà dépassé certains stéréotypes. “Il faut bien expliquer aux gens que nous ne pourrons pas faire l'économie... justement, d'une crise du secteur des banques. Nous ne pourrons pas de ce fait garantir l'épargne restante, pas de manière orthodoxe en tout cas. Il est bien connu qu’en Grèce, il n’y a presque plus d’épargne d’entreprise. Les entreprises ont transféré leur trésorerie à l’étranger et c’est depuis Londres, Berlin ou Zurich, qu’elles passent désormais les ordres de virement et de paiement. On sait par exemple que les avocats d’affaires ainsi que les médecins, ont une certaine préférence pour une grande banque de la City. Bien entendu, à part une certaine trésorerie et capitalisation déclarée et quelque part imposée au moins, il y a évidemment tout ce fruit... exporté durant ces années où le système légal ou pas, incitait à l’hyper enrichissement, qui plus est frauduleux. On sait aussi que la seule introduction de la monnaie nationale, autrement dit sans autres mesures tactiques et stratégiques de notre part, ne toucherait pas directement cette partie de la population”.

Alekos Alavanos. Athènes, le 19 mai

Il faut donc s'y prendre autrement à de niveaux divers. Lorsque le petit épargnant craigne pour l’avenir de ses maigres dépôts et en réalité sur sa propre survie, là et comme pour nos deux millions de chômeurs auxquels nous nous adressons et qu’ils n’ont plus rien à perdre eux, il va falloir œuvrer pour maintenir un certain niveau quant aux revenus, quant à l’accès au système de santé comme à celui des retraites. Il va falloir financer une certaine politique d’aide d’urgence, alimentaire si nécessaire et de ce point de vue ce n’est pas gagner. Le gouvernement actuel sur ce point n’a pas l’air de préparer quoi que ce soit. Faire du problème des banques et donc celui de l’épargne, un point de politique économique si obligatoire, serait alors un piège. Il faut actionner d’autres leviers, comme la politique agricole par exemple qui ne peut que se positionner aux antipodes de celle imposée par l’U.E., c’est inévitable. Il faut aussi comprendre qu’un des avantages indéniables mais nullement automatiques de notre pays, demeure cette grande disponibilité en terre agricole, les richesses de sa mer, tourisme compris, ainsi que la faible densité de sa population. Le Plan B est une démarche que nous voulons globale et radicale, elle ne se résume pas à la monnaie, et d’ailleurs, il se peut que nous soyons amenés à quitter l’euro sous la pression de l’Allemagne par exemple, sauf que dans un cas pareil, la programmatique de la nouvelle monnaie dite nationale ou même euro-régionale, nous échappera complètement, autant que notre destin en ce moment”.

Évidemment, plus rien n’est garanti, et la réussite du “Plan B” non plus. Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, affirme dans une interview accordée au quotidien Kathimerini daté de ce lundi 20 mai, que le “modèle chypriote”, autrement-dit la “contribution” des épargnants à la faillite de “leur” banque, au-delà des cent mille euros de dépôt alors supposé sous garantie, deviendra la règle. Surtout pour de nombreux comparses au théâtre de l’économie, autrement-dit, la classe moyenne. Les chômeurs grecs, espagnols ainsi que tous les autres, seront au moins épargnés d’une telle nouvelle catastrophe tant annoncée. Ils ne sont même plus spectateurs dans cette pièce. Comme autant, ces... “auto-exploitants” immigrés et vivant à Athènes, et qui chaque dimanche comme tous les jours, “travaillent” de la ferraille comme on dit, issue de la récupération.

“Auto-exploitant” immigré. Athènes, le 19 mai

Notre univers entier transpire alors la récupération, la sienne et la nôtre, et “travaille” la ferraille d’une fin d’époque. Panagiotis Kondylis avait estimé que la Grèce, telle que nous la connaissions depuis son existence contemporaine en tout cas, s’achève depuis, et par un cycle de deux siècles qui s’achève. Peut-être que la gauche du “Plan B” tient davantage compte de cette eschatologie ante portas, plutôt que de la “finale” à laquelle elle aurait tant cru, à savoir, le Grand soir. Tel serait mutatis mutandis le sort réservé aux autres peuples en Europe, au sein de l’Union Européenne en tout cas, lorsque ce n’est pas déjà le cas.

Mur à Athènes, mai 2013

Reste que tous nos petits soirs en Grèce redeviennent enfin doux “toujours bons à prendre car déjà, nous n’avons plus froid dans nos appartements”. L’été grec, ses cigognes et leur... “Plan B” en somme.

Région de Trikala, mai 2013




* Photo de couverture: Ville de Trikala, mai 2013