Greek Crisis
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Tuesday 18 June 2013

Apparences trompeuses/Deceptive appearances



C’était hier, lundi matin, que nous avons découvert la première piraterie saisonnière de la semaine, à savoir l’émission du signal NERIT, par la plate-forme numérique privée Digea. Car c’est sous l’acronyme NERIT, c'est-à-dire “Nouvelle Radiotélévision Grecque et Internet”, que devrait naître par “césarienne politique” autant que par “césaropapisme mémorandaire” du ministre de l’Économie, ce groupe audiovisuel censé succéder à notre vieille ERT. Sauf que le... solide préfabriqué de la Troïka et d’Antonis Samaras vient d’être partiellement sanctionné hier 17 juin soir par le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative grecque, laquelle a annulé “de manière temporaire” la décision du gouvernement, et ordonné la réouverture de l'ERT jusqu'à la constitution d'un nouvel organisme audiovisuel public.

Rassemblement Syriza”.Affiche: Place de la Constitution, le 17 juin au soir

Le contexte demeure très délicat, d’autant plus que la vieille ERT bénéficie depuis une semaine du soutien, ou “soutien” c’est selon, de nombreuses institutions et personnalités internationales. Parmi elles, Daniel Cohn-Bendit qui s’est rendu au siège de l’ERT hier lundi 17 juin, déjà très attendu de la foule habituelle des preneurs d’images. L’homme politique européiste a aussitôt fustigé la méthode utilisée tout en mettant en garde contre “les solutions extrêmes sauf que les reformes demeurent toutefois nécessaires”, il s’est également montré très dubitatif quant à la tenue éventuelle de nouvelles élections en Grèce, à l’instar d’Angela Merkel d’ailleurs. Car la chancelière avait déjà réitéré avant-hier son soutien vis-à-vis du gouvernement grec. D’après la presse mainstream comme “Ta Nea” de ce lundi qui rapporte ainsi la “nouvelle”, un prochain déplacement de Wolfgang Schäuble à Athènes serait même en préparation. Entre-temps dans la journée du lundi, Digea sous le tollé général finissait par faire disparaître des écrans, l’acronyme NERIT.

Concert en solidarité à un camarade souffrant”. Affiche av. Mesogeion près de ERT, le 17 juin

D’après le site Okeanews, Daniel Cohn-Bendit a déclaré lors de son passage à Athènes que “le grand problème, c'est la troïka (...) c'est un ovni incontrôlable (...) En période de crise, les démocraties sont toujours tentées de solutions autoritaires”. On devrait plutôt comprendre ceci: le grand problème c’est l’Union Européenne. En provoquant les crises, les dits marchés, leurs lobbys assimilés ainsi que le personnel politique qui leur serait inféodé, imposent à présent une nouvelle tyrannie. C’est l’essentiel... à tirer de notre nouvelle historicité et dont l’écran noir imposé à l’audiovisuel public grec, aurait soudainement et au mieux, ouvert une lucarne sur l’abysse constituante politique de notre avenir. “L'écran noir, nous a fait enfin voir l'abysse dans lequel nous sommes plongés actuellement” a suggéré devant le siège de l’ERT avant-hier, un manifestant anonyme, quotidien “Elefterotypia” du 17 juin.

C’est en cela seulement qu’Antonis Samaras s’est trompé de sémiologie dans les faits et dans certaines apparences de court terme. Il aurait aussi commis l’erreur d’en faire trop dans son usage de la méthode thatchérienne, politiquement, ce n’est pas très porteur en ce moment paraît-il. En tout cas, les “automatismes sociaux” tant escomptés et attendus par Antonis Samaras ne se sont pas produits comme il s’y attendait. Le paradoxe, qui n’en est pas un finalement, serait qu’à gauche, “les automatismes de la mobilisation populaire” n’ont pas fonctionné non plus au vu des enjeux. Ce qui n’a pas empêché la transformation des lieux en une grande et heureuse fête des militantismes, de l’esprit solidaire ou de la musique. Mais pour ce qui tient du changement politique... la méthode demeure incertaine, voire pour l’instant introuvable.

Autocollant sur la porte d'entrée du bâtiment. ERT, le 17 juin

Nos ERTiens, avaient en tout cas éprouvé une certaine inquiétude lundi matin, déjà, suite à l’apparition sur les écrans des barres estampillées NERIT. “Ce n'est pas possible, c'est un signal pirate, une usurpation de celui de la chaîne publique NET, c'est vraiment le monde à l'envers” pouvait-on entendre à l’intérieur du bâtiment, comme à la salle de rédaction au deuxième étage. Ce qui a également choqué, c’est ce déracinement soudain du statut prestigieux de collaborateur ou de membre du personnel de la prestigieuse ERT. Dorénavant, tout devient possible pour tous les autres et sur ce point, Antonis Samaras et la Troïka, semblent s’y connaître en guerre psychologique. Certains militants de gauche rencontrés devant de siège de notre audiovisuel ERTien, se demandèrent même dans quelle mesure nos militaires réagiraient ou pas devant un tel fait accompli, lorsqu’on leur annoncera la fin de l’armée, suivi de son remplacement par les unités des paramilitaires mercenaires étrangers. D’ailleurs, des rumeurs incessants depuis quelques mois en Grèce, circulent à ce sujet car “le gouvernement aurait déjà signé un certain nombre d'accord avec les sociétés privées qui fournissent ces mercenaires, soldats et officiers dans un package complet”. “J'espère que nos militaires bougeront avant les Troïkans et leurs sbires, car à part la Police, la pègre et ces illuminés d'un certain anarchisme, personne d'autre ne possède d'armes dans ce pays. De toute manière je n'irai pas m'opposer à une telle... prochaine Junte, pourvu qu’elle soit vengeresse avec l’ancien personnel politique. Je pense enfin que 80% de la population partage mon opinion”, lance Pavlos, un vieux militant de la gauche parlementaire, d’ailleurs connu par son pacifisme aux dires de ses amis. C’est étonnant combien les représentations peuvent alors changer sous la logique implacable de la brutalité initiée par certains événements déjà destructeurs, mais finalement structurants, en en ceci incontrôlables dans un deuxième temps.

Le signal “NERIT” au matin du 17 juin

Dimitra, journaliste à la rédaction de l’audiovisuel public me disait hier combien elle-même ainsi que ses collègues avaient été surpris par la gravité et par la vitesse des événements. “Nous savons que notre lutte dépasse toute problématique et conjoncture politique ou sociale, liées à l'ERT. Même si, demain matin nous aurons perdu ce travail, eh bien, c'est moins important que ce muselage des ondes, que ce démantèlement brutal de l'audiovisuel public. C’est un comble, un de plus dans notre pays: les fréquences légales n’émettent plus, tandis que celles qui sont complètement ou à moitié illégales, celles des chaînes privées, se retrouvent ainsi renforcées. Il y a déjà le scandale de la diffusion pirate du match de Panathénaïkos par la chaîne privée Skai, après avoir versé 60.000 euros au ministère de l’Économie, tandis que les droits appartenant à l’audiovisuel public ERT, qui avait déjà versé 200.000 euros. Le match a été diffusé en langue allemande avec traduction simultanée, quel ridicule ! Nous sommes déterminés à poursuivre cette lutte. Jusqu’à hier soir au moins, en Crète et en Égée du Nord, les radios locales du service public émettaient encore, non sans peine il faut dire. Car suite aux interférences et aux nombreuses coupures, nos fréquences deviennent alors instables. Et pour ce qui est des techniciens, ils luttent de leur côté pour si possible rétablir un signal régulier, ce qui fait partie intégrante et je dirais même essentielle de notre combat. J’ajouterais enfin ceci: nos collègues responsables des archives de l’audiovisuel public, elles sont comme on sait de valeur historique inestimable, veillent sur elles jour et nuit, et les locaux ont été sécurisés plus que d’habitude”.

Salle de rédaction des journalistes. ERT, le 17 juin

Le gouvernement a annoncé la fermeture de l'ERT, c'est plutôt ERT, qui devrait annoncer la fermeture du gouvernement”, ou encore “Ceux qui veulent regarder ERT, doivent s'équiper d'un décodeur anti-junte”,pouvait-on lire sur un panneau d’affichage de la salle de rédaction. Sur ce même panneau, un teeshirt suspendu et estampillé “Pasok - Le citoyen d'abord” datant de la dernière période électorale, et où une main à rajouté à la craie: “La mémoire ineffaçable”. Évidemment. Pourtant, et par aveu général, jamais notre audiovisuel public n’a été aussi libre et libre de créer tant d’émotion, de qualité ou d’espace démocratique en si peu de temps et ceci, depuis sa “mort subite”. Tel serait en effet le potentiel parfois invisible ou étouffé de tout service de l’audiovisuel public. En plus du lien établi entre les citoyens-auditeurs, ce dernier étant sans cesse renouvelé. Nous en savons désormais quelque chose en Grèce, surtout depuis la semaine dernière.

Panneau d'affichage de la salle de la rédaction. ERT, le 17 juin

Dimitra demeure modérément optimiste. Mais instinctivement, nos échanges se conjuguent au passé, tandis que son collègue Manolis, insiste sur l’énorme retentissement de ce silence provoqué au sein de la diaspora grecque. “Nos marins nous téléphonent en larmes, c'est incompréhensible, nous disent-ils. Je pense que le soutien de l’Europe, des journalistes ou des personnalités comme en ce moment Daniel Cohn-Bendit, portera ses fruits”, assure Manolis. Dimitra quant à elle, elle se montre plus réservée: “Le pouvoir est puissant, comme tout pouvoir dans un sens, attention”.

Dimitra est derrière son bureau. ERT le 17 juin

Et pour ce qui est du pouvoir, la presse présumée anti-mémorandum, estime par exemple qu’Antonis Samaras, ainsi que ses deux partenaires au gouvernement seraient déjà en train de “récolter la tempête”. C’est possible, sauf ce n’est guère certain. Là encore, les apparences peuvent s’avérer trompeuses.

Ils récoltent des tempêtes”. “Quotidien des Rédacteurs” du 17 juin

Lundi après-midi, au siège de la radiodiffusion ERT, la pelouse était moins occupée que d’habitude. Ce fut un moment de répit sous les 35 degrés à l’hombre et avant la grande foule joyeuse du même soir. Tandis que la presse mainstream préférait faire ses gros titres sur le prétendu appui d’Angela Merkel à Antonis Samaras, sur place, et après la visite éclair de Daniel Cohn-Bendit, nous avons vu les militants communistes prendre position sur les lieux, après leur rassemblement, Place d’Agia Paraskevi c'est-à-dire à deux cent mètres du siège du groupe ERT. Dimitris Koutsoumbas, nouveau secrétaire général du PC grec, le KKE, a estimé que “la solution ne réside pas dans les recettes proposées par les parties de la nouvelle bipolarité, à partir d'un noyau Nouvelle démocratie ou sinon, autour d'un noyau Syriza. La solution consiste à refondre le mouvement ouvrier, à créer les alliances populaires, c’est un chemin qu’il va falloir emprunter et ceci en commun avec le Parti communiste. Le peuple, les travailleurs, doivent tourner le dos aux faiseurs de galipettes, autrement-dit, aux aspirations des partis de la coalition, et à celles des autres partis d'opposition, comme Syriza, dont le seul objectif est de s'asseoir à la nuque du peuple pour ainsi satisfaire les intérêts des monopoles et l'Union Européenne. Ce décret de la mise à mort de l’ERT doit être abrogé par un acte législatif le plus rapidement possible”.

ERT, le 17 juin

Soutien d'Angela Merkel à Antonis Samaras”, “Ta Nea” du 17 juin

Daniel Cohn-Bendit pénètre dans le bâtiment. ERT, le 17 juin

Rassemblement PAME-KKE. Place d'Agia Paraskevi, le 17 juin

Certains journaux, ainsi que d’autres medias ont même une sorte de préannonce quant à “la sortie d'Antonis Samaras”. Mais on dirait qu’ils se trompent ou alors, qu’ils veulent nous tromper. Déjà, parce que sa sortie politique ne signifie pas nécessairement autre chose, sinon, la suite du Troïkanisme par les mêmes moyens.

“Samaras, la sortie”. Presse du 17 juin

Et on apprend déjà, que la piraterie NERIT sera prochainement validée par le “Parlement”, supposons dans toute... sa signalétique de saison et d’époque. Les reportages radiophoniques de ce mardi midi 18 juin sur Real-FM, laissent prévoir “que le nouveau signal, autrement-dit les émissions désormais en bonne légalité, seraient produits ailleurs, et non pas au siège de la vieille ERT, la laissant ainsi tomber comme on dit communément”. Et comme une feuille morte mais au moins en musique... car ce ne sont pas les festivités qui manquent en ce moment. Pourtant Dimitra, Manolis et leurs autres confrères à l’ancienne ERT me disaient encore hier lundi “que de toute manière, tout nouveau redémarrage quant à la production des émissions, ne peut se concrétiser qu'à Agia Paraskevi”. Pour le gouvernement, il en est hors de question, “le nouveau programme sera réduit et en plus, nul besoin pour l'instant que de dépêcher les unités de la police anti-émeute sur place pour déloger les ex-ERTiens. Ces derniers, n'auront même pas à recevoir la signification de leur licenciement par écrit ; ce n’est pas nécessaire car leur organisme a été purement et simplement supprimé”, Real-FM, le 18 juin.

Et comme par hasard, la presse économique de ce matin rapporte que plus de deux cent écoles primaires et maternelles seront fermées à la rentrée des classes en septembre prochain, tandis que mêmes certains hôpitaux seraient menacés de cette même mort subite que notre vieille ERT. À défaut alors du troisième programme de la radio publique et de Manos Hadjidakis qui fut un de ses initiateurs, ses enfants du Pirée se consoleront peut-être en se rendant sur la plage située à l’Est du grand port, comme déjà dimanche dernier.

Le Pirée, le 16 juin

L’été passera et “peut-être bien nous avec”, comme elle le pense parfois Voula, ma cousine pharmacienne, installée depuis trente ans à Agia Paraskevi. “Nous n'attendons plus rien et de la part de personne. C'est une mort lente que nous subissons... que cela explose enfin. Le chômage imposé au personnel de la radiotélévision portera le coup de grâce à tout le quartier. Personnellement, je me vois mourir en tant que pharmacienne en quelque mois seulement, heureusement que Vassilis a retrouvé du travail, car même s’il est mal payé c’est indispensable. La Sécurité sociale me doit encore plusieurs milliers d’euros, et comme je ne sais même pas quand cet argent me sera restitué, je ne peux pas en attendant emprunter derrière, comme on faisait avant. Demain, nous nous réunissons à l’Ordre des pharmaciens, et paraît-il, notre président va nous annoncer la fermeture de plus de cinq cent pharmacies, à Athènes et aux environs”.

Voula, je me souviens, elle avait participé à tous les grands meetings Syriza de l’année dernière. Plus maintenant. C’est ainsi qu’elle s’est montrée totalement indifférente à la tenue “du grand meeting Syriza, lundi soir place de la Constitution” d’après “Avgi”, le journal historique du parti de la Gauche radicale. Sur les ondes de la Radio 105.5, celui de Syriza, son directeur, Costas Arvanitis et ses journalistes, ont depuis présenté l’événement, en mettant l’accent sur la “grande participation populaire”.

Meeting Syriza. Place de la Constitution, le 17 juin

Je dirais, et j’en dirai davantage à mon ami Costas, qu’il n’en était rien. La place Syntagma n’était pas remplie, qui plus est, par un parti qui se veut populaire et en plus, arrivé à deux pas du pouvoir, impossible. À part Voula, je n’ai pas vu non plus sur place, ces habituels militants de l’aile gauche de Syriza, mais ce qui est plus préoccupant à mon avis, c’est que la flamme n’y était plus. Si l’on compare évidemment, l’esprit du temps, à celui des rassemblements de 2012. On peut être en désaccord partiel ou même total, c’est selon, avec les récentes orientations chez Syriza, sauf qu’un tel spectacle ne devrait pas faire plaisir à tous ceux qui de près ou de loin ont encore un lien de parenté disons intellectuelle avec la “famille” déchirée de la gauche grecque. Alexis Tsipras a répété, non sans brio d’ailleurs “que le gouvernement Samaras est bien finissant”, c’est peut-être vite dit. Une fois n’est pas coutume, il va falloir compter sur les apparences que l’on voudrait trompeuses.

Mais au moins, on sait et on le saura désormais davantage hélas pour ce qui adviendra de l’avenir abyssal des écrans noirs et de ce nouveau siècle: le temps méta-démocratique, autrement-dit, le nôtre, est non seulement compté, mais en plus, implacable avec ses retardateurs. Alexis Tsipras ou Dimitris Koutsoumbas ne voient apparemment rien venir, ou sinon, définitivement s’en aller. Dommage, car la reprise de la créativité sociale arrivera tôt ou tard, mais seulement, suite à la centrifugeuse de l’effondrement et de l’actuelle guerre économique. En paraphrasant quelque peu l’anthropologue anglo-américain Michael Herzfeld, je dirais que l’avènement troïkan, tout comme l’historicisme des nationalistes, et au même titre que le mythe, abrogent le temps, dont, certaines pratiques héritées de jadis. Ou sinon, ce n’est qu’une apparence...

“Chaînes privées à l'assaut de l'audiovisuel public ERT”. “Quotidien des Rédacteurs” du 17 juin




* Photo de couverture: Alexis Tsipras au meeting de Syriza. Place de la Constitution, le 17 juin