Greek Crisis
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Tuesday, 10 September 2013

Musique des îles/Music of the Islands



Sa face brulée au soleil, l’été grec du blog se termine de toute évidence en mer Égée. Et on se sent saisi du même coup de vent qui à soufflé si fort cette année depuis juillet au point même, et aux dires des habitants de l’île, d’avoir tant perturbé “la saison”. La leur, et d’abord celle des vacanciers. L’autre “Grande dépression” n’occupe pas le devant de la scène ici, telles sont les apparences en tout cas. Entre le théâtre du monde et l’île d’Astypalaia il y aurait tout un l’Archipel, même si, l’heure du bilan c’est toujours en septembre.

Le port de pêche de Maltezana. Astypalaia, septembre 2013

En début de semaine, les caïques sont restés souvent à quai au petit port de pêche de Maltezana. Lundi même, toute sortie leur aura été interdite pour cause de météo. Sauf que “les hommes font parfois à leur tête, et d’abord parmi eux, les marins. On se souviendra toujours de ce capitaine qui partit par gros temps de Pera-Yialos, notre vieux port sur l'île. Les autres pêcheurs le regardaient alors sidérés. Reviens au port! lui crièrent-ils. Il aurait reçu leurs appels sur son téléphone mobile. En vain. Obstiné et têtu comme il était, il voulait alors coûte que coûte transporter de l’eau sur la petite île d’Ofidoussa. Il y avait installé ses bêtes, mais évidemment que cela pouvait encore attendre un jour ou deux. Car l’eau, surtout en quantité et par gros temps devient rapidement une cargaison bien diabolique. Tout le monde le sait. Près de l’îlot le caïque a chaviré. Son matelot s’est aussitôt jeté à l’eau, il a nagé jusqu’à la première falaise, et il fut sauvé. Capitaine Manolis avalé par la mer, n’a jamais été retrouvé. Tels sont les hommes, d’ici ou d’ailleurs”.

Après la pêche. Maltezana - Astypalaia, septembre 2013

C’est en scrutant la mer que Maria raconte ces récits de l’histoire quasi-immédiate, une mémoire toujours palpable à travers ses traces. Comme cette autre histoire, celle de Yannis. Il tenait la meilleure taverne à poisson de “l'île de l'intérieur”, c'est-à-dire de la partie-Est du “papillon” d’Astypalaia, papillon par sa géographie, “una farfalla solitaria nell'Egeo” d’après nos amis Italiens.

Yannis aussi a voulu à tout prix pêcher le calamar plus à l'Est, vers Saint-Fokas. Il était parti seul encore une fois par gros temps. Tout est dans la tête des hommes... Son corps par contre a été retrouvé. De nuit, c'était le Super-Puma des garde-côtes qui éclairait la mer et les falaises de la baie d’Agrelidi afin de le retrouver. Il faut dire que Yannis venait de se faire opérer du dos et les médecins lui avaient interdit tout excès, comme on dit. Durant six mois après l’opération, il devait se monter prudent. Eh bien sûr que non, lui, il a préféré accourir derrière son sort”.

Le café-pâtisserie de Marinos à Maltezana. Astypalaia, septembre 2013

Ces histoires que les habitués du café de Marinos à Maltezana racontent parfois, se déclinent suivant certaines versions légèrement différentes, voire divergentes. Ceci assurément, rien que pour mieux animer le “débat”. Car ici, on évoque volontiers les faits marquants de jadis et de toujours, le quotidien des gestes techniques répétés, la météo évidemment, puis, et seulement enfin, les aléas de la crise. Du reste ces derniers toujours en atténué. De toute manière, “la saison fut relativement courte entre mi-juillet et mi-août. Nous n’avons certes pas fait le plein de touristes mais il n’y a à se plaindre. Les affaires tournent. La seule grande nouveauté cette année, c'est que certains vacanciers ont préféré les mois de juin et de septembre, question de coût évidemment”.

En observant de près ce quotidien des ateliers humains hors des grandes métropoles de la crise, on est déjà amené à y reconnaître un autre “système de gestes”, ou sinon ce qui en subsiste. Un certain enrichissement passé ou plutôt relativement récent lié au tourisme, à la spéculation immobilière, ainsi qu’à la relative poly-activité, épargneront mutatis mutandis ces espaces insulaires de l’effondrement qui serait à venir. Tout le laisse penser en tout cas. Question de démographie aussi, car sauf exception, l’espace de l’Égée demeure peu peuplé, à l’exemple des 1.789 habitants de la “Farfalla”, d’après le dernier recensement de 2011.

Mariage. Astypalaia, le 8 septembre

Chez les “farfalliotes” comme ailleurs, on est presque déjà loin des lignes sévères d’une montagne nue, des archétypes qui descendaient du haut d’un âge immémorial ainsi remarqués du poète Elytis, et qui suggèrent la simplicité et la netteté, ordonnant in fine des actes équivalant sur le plan moral. Néanmoins, un certain comportement humain y semble être encore impliqué. Dans le sens par exemple, où il est possible d’en partager le quotidien dix jours durant, sans apprendre la moindre nouvelle issue de l’univers des médias, et des “nouvelles” du monde au-delà de l’Archipel. Une... heureuse exception culturelle enfin pour ce blog.

Cela étant, trois événements “endogènes” ont sensiblement occupé les habitants ces derniers jours. Au tout début de la semaine dernière d’abord, Yannis Delmadoros, un éleveur renommé de l’île, alias le “Shérif”, comme tout le monde le connait aussi d’après son sobriquet était parti à bord de son véhicule, voir ses bêtes et leur donner à boire. Yannis, était déjà servi d’informateur en quelque sorte à Andréas Theodosopoulos, auteur d’un guide touristique assez novateur et alternatif sur Astypalaia. C’était seulement en 2005. Seulement, car la maison d’édition a depuis fait faillite.

Yannis Delmadoros en 2005. “Astypalaia Inexplorée”, éditons ROAD, 2005

Ébloui par le soleil à son levée, il a raté un virage pour ensuite chuter au fond du précipice. Grièvement blessé, encastré dans sa voiture, il a pourtant pu avertir les siens en utilisant son téléphone mobile. Pour Maria en tout cas, un premier miracle était déjà accompli: “Shérif... emmenait toujours son petit-fils avec lui chaque matin du mois d’août, et jusqu’avant la reprise des classes, d’ailleurs l’école c’est pour bientôt. Il aimait lui montrer ses bêtes, l’initier peut-être au métier, il en est si fier Yannis. Seulement, le jour de l’accident il ne l’a pas fait. Sainte-Vierge Panagia Poulariani a mis sa main. Ses frères l’ont alors désincarcéré. Puis l’hélicoptère militaire, le Super Puma est venu le récupérer pour l’emmener à Rhodes. Ils auraient dû le conduire plutôt en Crète, les hôpitaux y sont bien meilleurs. Il a subi une hémorragie interne, son foie a été touché. Marinos qui est mieux informé, dit que Yannis irait mieux, sauf que son état reste toujours critique. Notre ultime espoir c’est ce Super Puma. Avant-hier par contre, il a mis plus de trois heures pour atteindre notre île, il n’aurait pas été prêt paraît-il”.

L’autre événement de la semaine fut le mariage dimanche dernier, “accéléré par le destin”, c'est-à-dire par l’état de grossesse de la jeune mariée. “Ce pauvre garçon, il n'a pas de travail stable, et quant à la fille, elle est au chômage. Ils se débrouilleront à l'aide de la Sainte-Vierge... et de leurs parents”, commente Maria.

La fête de Panagia Poulariani. Astypalaia, le 7 septembre

Panagia Poulariani, le 7 septembre

Gâteaux en distribution. Fête de Panagia Poulariani, Astypalaia, le 7 septembre

Mais c’est surtout les deux fêtes annuelles aux deux chapelles situées sur l’île de l’intérieur, à Panagia Poulariani, et à Vathy qui monopolisèrent pour un moment tous les esprits. Pour s’y rendre, Maria rechercha désespérément un petit 4X4 de location, à l’instar des touristes. Dimitri, son mari ne voulait pas abimer sa voiture sur la longue piste caillouteuse. Sans résultat, les loueurs n’en disposaient pas un seul véhicule de ce type. Finalement, leurs cousins éleveurs les y ont emmenés à bord de leurs camionnettes tout terrain.

À Poulariani, ce fut difficile que de trouver une place près de l’orchestre. “Pourtant, il y a moins de monde que l'année dernière”, affirmait Yorgos, un habitant de Livadi près de Chora, chef-lieu de l’île. Quant aux préférences et aux choix parfois délicats, ils ne demeurent pas moins motivés par certains codes et alchimies, alors invisibles du premier coup d’œil. Tout est dans le non-dit. C’est ainsi que parmi les habitants, une partie a opté pour la fête de Panagia Poulariani et l’autre, pour celle de Panagia Thomaïtissa, tandis que certains tempéraments téméraires, se sont exercés... à la double circulation.

Distributions et... offrandes à Panagia Poulariani. Astypalaia, le 7 septembre

À part les rares touristes ainsi que les Italiens, Français et autres habitants-acquéreurs d’immobilier sur place, et à part les habitants évidemment, y assistèrent également certains Astypaliotes venus d’Athènes, voire, des États-Unis, du Canada ou d’Australie. Leur émotion fut si grande, à la mesure de l’éloignement sans doute dans le temps et l’espace. Ce type de “fête” est déjà un “marqueur calendaire”, un moment de bilan et une occasion pour “se montrer et autant... se faire voir”. Question de sociabilité, mais aussi d’émotion. Antonia par exemple s’est souvenue de la chute de sa grand-mère, survenue presque jour pour jour il y a un an, vers le moment de la fête de Panagia Poulariani en 2012. “Et depuis... ce fut la fin. En quelques mois seulement ma grand-mère finit alors par partir définitivement. Je lui étais très attachée, elle fut ma confiante, elle m'avait presque autant élevé que ma mère. D'où ma tristesse au soir de la fête, j’ai vu que vous l'aviez remarqué”.

Panagia Poulariani, le 7 septembre

Enfin, une certaine concurrence entre les deux fêtes fut aussi celle des musiciens. À Poulariani, ils étaient venus des Cyclades ou du moins, ils appartiennent à la dite école musicale de la famille des Konitopoulos, tandis qu’à Panagia Thomaïtissa, les musiciens venaient de Kalymnos. Astypalaia, tout juste au-delà des Cyclades et située à l’extrémité Ouest des îles du Dodécanèse est concernée par les deux traditions musicales, lesquelles d’ailleurs se chevauchent.

À Maltezana cependant, les “puristes” et les nostalgiques estiment que “l'île a perdu toute son originalité musicale. Les vieux praticiens de Tsambouna n'ont pas été suivis par les jeunes, contrairement à ce qui est pratiqué quasi en face, sur la petite île d’Anafi. Le tourisme et l’argent gagné les auront rendus... paresseux en traditions”. Sur le vieux port d’Astypalaia, Eleni Metaxotou, la fille du Roi de Syrna qui tient l’unique kiosque et débit de tabac, est du même avis.C'est une honte que de faire venir les musiciens d'ailleurs. Ils interprètent alors leurs chansons à la manière des Cyclades. Honte aux jeunes. Déjà, les plus anciens ne voulaient plus reprendre le flambeau. Le tourisme est alors arrivé. Ensuite, les habitants ont aussitôt vendu leurs petites maisons de la citadelle aux étrangers, et d’ailleurs ils les ont bien vendues. C’est aussi grâce à l’immobilier que certains se sont si rapidement enrichis. Donc... il n’y a plus de musique bien de chez nous depuis”.

Berger d'Astypalaia, septembre 2013




* Photo de couverture: Fête à Poulariani. Astypalaia, le 7 septembre