Greek Crisis
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Monday 14 October 2013

Les exilés du propos/Exiles' ramblings



Nos manifestants du vendredi 11 octobre avaient le pas lourd et le visage crispé de tristesse. Leur cortège amaigri et immobilisé durant un long moment devant le “Parlement”, fut ainsi “bien encadré” par les policiers du jour. Fin de parcours. Ces femmes et ces hommes ce sont des hospitaliers qui bientôt se retrouveront au chômage, c'est-à-dire “en disponibilité” d’après le langage administré par le gouvernement. Or désormais, manifester en Grèce de 2013 relève moins de la protestation revendicative des temps anciens que d’une presque... anthologie poétique sur la mort sociale.

Manifestation devant le Parlement. Athènes, le 11 octobre

C’est alors et d’abord par dignité (et pour la dignité) que nos existences se mobilisent à présent, c’est tout autant vrai que tout le reste. C’est alors le pays entier qui se fait ainsi remorquer vers sa fin, comme vers la baie d’un cimetière de bateaux. Le mythe grec n’est plus et encore moins, celui d’Antonis Samaras et de son “succes story”.

Nikos Xydakis, dans sa chronique du dimanche 13 octobre au quotidien pourtant progouvernemental “Kathimerini”, fait remarquer que ceux qui encore s’en sortent, préféreraient que les disparus de l’épave, les pauvres, soient enfin devenus invisibles. Xydakis cite alors Hannah Arendt rappelant cette autre phrase de John Adams: “La conscience du pauvre est claire ; pourtant il a honte... Il se sent hors de vue d'autrui, cherchant à tâtons dans le noir... L'humanité ne lui prête nulle attention. Il avance et rôde sans qu'on le voit... on ne le désapprouve pas, on ne lui reproche” ainsi que l’essai de Myriam Revault d'Allonnes, “L'Homme compassionnel”.

Athènes 2013

Le journaliste de “Kathimerini”, cite enfin Alexis de Tocqueville, lequel dans “La démocratie en Amérique” identifie entre autres cette différence, entre le régime démocratique et la société aristocratique, au moyen de ce sentiment de la compassion et de l'appartenance ordinaire à l'humanité. Il est ainsi question de la célèbre lettre de la marquise de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal), témoignant de la révolte des basses classes de la Bretagne en 1675 - soulèvement à propos d'une nouvelle taxe - réprimés comme on sait avec grande atrocité.

Déjà et aussi chez nous, il s’agirait d’une coexistence “paradoxale” entre la cruauté et la compassion. Xydakis pense qu’en cette phase actuelle de la “crise”, “en cet automne 2013, ceux qui ont fait faillite, les chômeurs, ceux qui n'en peuvent plus et plus grand-chose pour s’en sortir, les noyés, tous ces gens deviennent alors les exilés des discussions entre ceux, qui pour l’instant s’en sortent encore”. Autrement-dit, toute une société qui devient... “hors-propos”.

Cimetière pour bateaux. Salamine, octobre 2013

Nikos Xydakis a raison et la dite “crise” finit par nous rendre mieux intelligents dans nos analyses. Je l’avais rencontré il y a six mois derrière les micros de la radio 105,5 (de SYRIZA), c’était lors d’un débat. Nous partagions déjà un certain regard bien parallèle sur notre dernière tragédie grecque. C’est ainsi que même les dites barrières idéologiques tombent, au même titre que les femmes et les hommes de ce pays qui n’en peuvent plus. Et c’est autant l’effondrement de la version mythomane du... futurisme de ce pauvre Antonis Samaras. Est-il lui-même conscient de quelque chose enfin ? Telle est également la grande question de cet automne.

Dimanche soir, notre lointaine amie Martha a enfin téléphoné. Cela faisait plus d’un mois qu’elle était injoignable. Au début, nous n’en étions pas très inquiets, nos amis se perdent parfois ne donnant plus aucun signe de vie. Leurs disparitions économiques deviennent de fait des disparitions tout court. Surtout pour ces amis déjà éloignés, c’est presqu’une nouvelle règle. Martha recherchait cependant un certain réconfort moral ou plutôt une... ultime éthique analgésique, c’est selon.

Mythologies. Athènes 2013

Elle avait d’ailleurs tant hésité à se confier, cela se comprend. “Vous savez... c'est au sujet de Stergios, mon ancien compagnon. Depuis qu'il a dû fermer sa boutique rien ne va plus. Il a perdu toute couverture d'assurance-maladie et hélas en Août, il s'est fait renverser par un motard qui roulait sans assurance. Sa propre famille ne pouvant pas l’aider, il s’est alors adressé à moi. J’ai pris sur moi l’ensemble des frais de son hospitalisation. Sauf que cela ne s’arrange plus. Il est victime d’un hématome au cerveau, de ce fait il est en train de perdre sa vue, il devient aveugle. Moi-même, je n’ai plus les moyens de l’aider. Il m’a encore téléphoné ce matin. Désormais enfermé chez lui... il prend des médicaments... pour mourir. Il voulait me dire qu’après sa mort... je dois récupérer ses meubles, ses objets et ses livres... C’est trop dur”.

Stergios fut certes un ancien commerçant d’objets et d’articles de luxe. Converti très tôt au “lifestyle” ainsi qu’au pire Pasokisme, compatible à la fois avec la social-démocratie de l’euro, qu’avec la para-économie casino à tous les étages, il n’a rien vu venir et surtout s’effondrer. Et en trois ans seulement, son... style de vie s’est mué en une configuration de la mort à venir. Martha est impuissante comme bien la plupart d’entre-nous en pareils cas. D’autant plus qu’en ce moment, les derniers hôpitaux psychiatriques encore opérationnels sont sur le point d’être fermés par le ministre de la Santé (?), Adonis Georgiadis, ce politicien issu du parti de l’extrême-droite LAOS, ayant retrouvé enfin sa vocation dans l’extrémisme antidémocratique, antipopulaire de la politique de la Nouvelle démocratie, du PASOK et de la Troïka.

Fermeture. Athènes, octobre 2013

À part Stergios, notre cousin Vassilis devient aussi depuis peu, un exilé nouveau de notre conscience moderne. Ancien agent à la Bourse d’Athènes, autrement-dit ancien “ventilo”, comme on l’exprime parfois en pareilles circonstances pour dénoncer ces activités outrageusement spéculatives, il est donc chômeur. Privé d’électricité chez lui faute d’avoir réglé ses factures, il a fait brancher le courant par un électricien... anonyme moyennant cent euros. Notre autre cousine Évangélia, cadre au sein d’une multinationale du médicament, a tout fait pour lui trouver un emploi d’agent d’entretien au sein de l’entreprise où elle travaille. Vassilis, prétextant un début d’activité dans une hypothétique affaire... d’exportateur en produits du terroir, n’a finalement pas accepté ce poste. Et depuis, il devient alors notre premier... exilé de la famille étendue.

Évangélia donc, ne veut plus entendre parler de lui. “Je me suis même trop mouillée dans cette affaire. Je n’arrivais plus à dormir durant la nuit. Vassilis serait payé mille euros par mois en net. Il y a des universitaires qui en gagnent moins en ce moment. J’avais insisté auprès du PDG, j’ai raconté que Vassili était sans rien, de même que son épouse, et en plus, ils ont un enfant petit. Lui, il a préféré ses chimères de l’argent facile comme du temps où il brassait du vent à la bourse. Il ne voit pas combien et surtout comment, rien n’est plus comme avant. Mon mari l’a dépanné de vingt euros pour qu’il puisse payer le taxi et rentrer chez lui. Nous ne ferons plus rien pour lui. Il peut toujours rentrer au village, sa sœur l’exhorte à le faire, elle y habite et elle s’en sort. Je crains pour Vassilis, surtout pour leur enfant... C’est triste à dire... mais nous le laisserons désormais se noyer dans l’océan de son propre sort !”

Manifestation solidaire envers un chômeur expulsé de son domicile. Mytilène, le 11 octobre

Ailleurs, ce n’est que la mobilisation au cas par cas qui sauve les meubles humains de la Grèce. Comme par cette manifestation solidaire envers Nikos Giannellis, son épouse et leurs quatre enfants, chômeurs du jour. Elle a eu lieu devant le centre des impôts de Mytilène, capitale de l’île de Lesbos vendredi dernier 11 octobre. La petite maison du couple était sur le point d’être saisie par l’administration fiscale pour une dette de 2.300 euros. Notons que pas plus tard que lundi dernier (7 octobre) et à la télévision, Yannis Stournaras, ministre des Finances (et des banques) avait prétendu que “les plus démunis ne seront pas concernés par les saisies de leurs biens, s'agissant particulièrement de leur unique résidence principale” (cité de mémoire).

Finalement, c’est le service social de la municipalité de Mytilène qui s’est chargé de la “dette” du concitoyen Nikos. Pour sa responsable et adjointe au Maire Anastasia Antonelli, la... misanthropie du gouvernement Samaras ne fait guère de doute: “Enfin pitié ! Il y a eu d'abord la bulgarisation imposée au niveau des prestations sociales, des salaires et des retraites. Alors, que vont-ils inventer ensuite et après avoir expulsé les familles de chez elles, nous distribuer des tentes, ou bien... elles nous seront en plus facturées ? Tandis qu’il n’y a eu, la moindre saisie des biens chez ceux dont les noms figurent sur les listes de type Lagarde, chez tous ces possédants, qui ont constamment échappé à l’impôt. Enfin, sommes-nous gouvernés par des Humains ou par des misanthropes ?”, quotidien local “Embros” daté du 11 octobre.

Athènes, le 11 octobre

Les élus locaux ressentent suffisamment et mieux que quiconque, les dimensions... anthropophagiques de la politique d’Antonis Samaras et qui touche alors près de 70% de la population. La barrière anatomique de notre société semble déjà atteinte par le bistouri de la Troïka je dirais, et il n’y a que le “gouvernement” pour l’ignorer, surtout à un tel point.

C’est sans doute la raison pour que cette année, les élus locaux rechignent à participer à la quatrième (dite) “Réunion de la Coopération Gréco-allemande” qui doit se tenir bientôt à Nuremberg. C’est un organisme piloté par “notre” ministre Hans-Joachim Fuchtel, directement nommé par Angela Merkel depuis l'automne 2011 au poste de “Beauftragter der Bundeskanzlerin für Griechenland”. Il sillonne “son” pays... réel des élus locaux et régionaux grecs prônant “le changement par le bas”, qui entre autres, apporte un certain nombre de contrats juteux aux entreprises allemandes. D’après le reportage du quotidien “Elefterotypia” daté du 13 octobre, “seuls 45 maires sur les 325 que compte la Grèce, se sont à l'heure actuelle déclarés prêts à participer et ceci, contrairement à l'afflux en termes de participation lors des trois précédentes réunions. Parmi les fervents supporteurs du projet, Yannis Boutaris, maire de Thessalonique, lequel s’insurge contre ses confrères élus locaux, ces derniers, n’ont pas assez embrassé le projet déclare-t-il”.

Pour rendre compte de l’air du temps, il faut noter que c’est précisément à Thessalonique que la représentation du... “Proconsul Fuchtel” siège depuis 2011, et qu’en même temps et selon la presse de la semaine dernière, “la Troïka, d’après les recommandations des conseillers de Lufthansa Consulting, exige la fermeture de 22 aéroports régionaux dans toute la Grèce”. Ceci explique aussi les réticences des élus locaux s’y ajoutant à une certaine peur de la colère populaire, peur évidemment non avouée publiquement. La nouvelle sur ce 22 aéroports, a été aussitôt et officiellement démentie... pour l’instant.

La Troïka ferme 22 aéroports”. Presse du 11 octobre

Pendant que la... récupération dans les poubelles devient alors un nouveau petit marché très porteur dans Athènes, l’économiste proche du parti de la Gauche radicale, Costas Lapavitsas par un article publié au quotidien “Avgi” (SYRIZA), estime alors que “l'Union Européenne s'est avéré être un ennemi des droits démocratiques et du travail”. En Grèce, plus qu’ailleurs c’est enfin un... enseignement vécu et pratiqué et en même temps, une idée qui fait déjà son chemin au sein des représentions collectives et des mentalités. C’est également ce point supposé de non retour que nos élus locaux saisiraient ainsi dans l’air du temps, hélas, contrairement à Antonis Samaras.

Ce dernier, menace même de poursuites au pénal, visant l’ensemble des partis de notre Gauche, les mouvements de résistance comme celui à Skouries luttant contre la mine d’or, ainsi que le parti de droite des Grecs Indépendants. Ce dernier a été formé par ces députés qui ont quitté la Nouvelle démocratie en 2011, lorsque cette dernière a abandonné le discours anti-mémorandum électoraliste et de si piètre façade. Sauf que lorsqu’on menace de telles poursuites plus de 80% de la conscience collective d’un pays (en plus si tragiquement vécue au quotidien), une attitude semblable, ceci laisse alors apparaître au grand jour combien le régime s’apparente davantage à un autoritarisme de fait, pour ne pas dire à une dictature, qu’à une démocratie, ou “démocratie”, de type occidental.

Récupérations. Athènes, octobre 2013

Et pour le journaliste Nikos Hadjinikolaou, “trois sous-fifres du FMI ont alors détruit les Grecs”, Real-Fm lundi 14 octobre 2013. Il n’y a qu’Antonis Samaras pour déclarer devant ses députés, qui d’ailleurs il ne contrôle plus vraiment, que “nous avons vaincu l'Océan, alors que certains se noient dans une bassine”.

C’est si triste et autant grotesque. “L'action remplace les larmes” peut-on lire sur les murs d’Athènes depuis l’été dernier. Et “Antonis Samaras devrait alors démissionner, avant que tout cela ne se termine dans un bain de sang”, entend-on dire ici ou là, et déjà, du côté de SYRIZA.

L'action remplace les larmes”. Athènes, octobre 2013

Antonis Samaras prétend en plus “sévir contre la violence et ceci, indépendamment de sa provenance”. Sauf que son faux message, d’ailleurs si bien partagé par la Commission de Bruxelles, ne passe plus du tout chez nous. Je remarque que nos perceptions quant à la régulation de la violence dans la société changent, justement, sous les effets de la violence exercée sur la société par la Troïka, ainsi que par les extrémistes de la Nouvelle démocratie et du PASOK. Leur violence est réelle et très palpable. Le suicidé (et pendu) du jour est un homme de 48 ans, père de trois enfants qui habitait la région de Missolonghi à l’ouest du pays. Et comme on dit chez nous, “le sang impose sa vengeance”.

Déjà, en observant la graduation ascendante dans les mesures de sécurité qui encadrent les déplacements des officiels et des membres de la Troïka à Athènes depuis plus d’un an, j’en déduis que ces gens ne se sentent plus tellement en sécurité en Grèce, c’est évident. Pourtant, et fort heureusement, la population fait preuve de... stoïcisme et il n’y a pas passage à l’acte, sauf en se suicidant. Ce n’est qu’un stade, affirment à ce propos nos psychanalystes. Qui sait ? Espérons aussi qu’à la Nouvelle démocratie, on saura encore à temps modérer... l’immonde.

Plage en Attique, le 13 octobre

Bonne nouvelle enfin, la journée du 13 octobre a été pour ainsi dire estivale, et de nombreux habitants de l’agglomération d’Attique ont préféré se rendre sur les plages, histoire peut-être de se détendre. J’ai remarqué que ces gens lisaient alors souvent la presse du dimanche - et généralement celle dite du régime - ils lisaient le visage crispé de tristesse, comme exactement, les manifestants-hospitaliers du vendredi devant le “Parlement”.

Finalement, pratiquement toute la Grèce se reconnaît dans ce même regard, chez les nantis, comme chez tous ces autres naufragés du sabordage de la flotte économique et sociale du pays. Un ministre de Samaras exprime ce lundi 14 octobre 2013 sa grande inquiétude quant au maintient de la cohésion sociale. La Troïka vient de refuser la proposition du gouvernement s’agissant d’une baisse de 15% de la taxe qui frappe le fioul domestique (son prix a été triplé par cette même Troïka depuis deux ans). Entre les nouvelles du jour, nos medias insistent sur cette dernière proposition du FMI qui consiste à faire imposer un prélèvement obligatoire de 10% sur l’ensemble des dépôts des particuliers et des entreprises et ceci concernant l’ensemble des pays de la zone euro. C’est prétendument pour faire face au problème de la dette souveraine (Real-Fm lundi 14 octobre). Le quotidien belge “L'Écho” n’écrit pas autre chose ce matin. Il y a donc urgence.

Notre chat a été perdu entre l'hôtel Hilton et le Palais de la Musique, et sur l’avenue de la reine Sophie. Il a sauté de notre moto alors que nous l'emmenions chez le vétérinaire. Il est malade. Aidez-nous à le retrouver, il nous est indispensable”, peut-on lire sur une affichette près de l’hôtel Hilton. Effectivement, il y a urgence.

Notre chat...”. Athènes, le 11 octobre




* Photo de couverture: Manifestation devant le Parlement. Athènes, le 11 octobre