Greek Crisis
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Wednesday 12 March 2014

Histoire des animaux/History of Animals



Nos moments de sociabilité se raréfient, sans pour autant disparaître complètement. Des amitiés se brisent sur la digue de la crise au fil des mois. La marche forcée de la société en mode “survie” n’arrange pas... les humanismes trop quotidiens. Nous traversons alors cette constance décidément étendue, de la rouille progressive et de l’usure des êtres.

Jeune et mendiant. Athènes, le 6 mars

La raréfaction du travail ainsi que celle des revenus qui lui seraient encore liés, oblige fatalement à un surinvestissement en termes de temps... à travers la quête prométhéenne d’un futur égaré et aux lendemains ne chanteront plus.

Nos univers échappent sitôt aux taxinomies d’antan et aux désignations “suffisantes” qui puisaient leurs racines dans les sémantiques rodées (et ridées), nées sous l’ancien régime (1974-2010). Obligatoirement elles se réinstaurent ou sinon elles se brisent, à défaut donc de se rejoindre. Le dissolvant social a déjà fait de son œuvre, nous nous harmonisons alors et sans trêve dans la paupérisation et l’épuisement, uniformisants alors imparables.

Sous l'Acropole, mars 2014

Sous l’Acropole, la mainmise de la crise bouleverse les mentalités et génère des clivages. Ainsi l’aliénation -comme on disait jadis- reprend-elle tous ses droits, les manifestants se raréfient à leur tour dans nos rues, cependant, des cortèges ont immanquablement lieu tous les jours. Mais ils deviennent alors ces prés carrés de la tristesse revendicatrice des concernés (isolés).

À l’instar des courageuses femmes de ménage, licenciées du ministère de l’Économie et des Finances ; elles ne baissent pas les bras de leur lutte, encore mercredi matin 12 mars, elles ont été violement frappées et molestées par les hommes des MAT, ces compagnies policières prétoriennes servant à protéger les seuls intérêts des réseaux criminels à col blanc, grecs et étrangers, et du “gouvernement grec” compris.

“To Pontiki”, “Ils se portent à merveille se moquant de nous”. Samaras, Stournaras et les leurs

Ces réseaux seraient, aux dires de tous ici (émission par exemple de Yorgos Trangas sur REAL-FM, mercredi 12 mars), “les souffleurs bien installés depuis cette trappe nommée mémorandum, pratiquée dans le plancher de scène de la Troïka et du TAIPED, organisme prédateur des biens nationaux et donc populaires, au profit des escrocs”.

En l’absence ainsi fondamentale de toute Politeia, (concept qui allie la citoyenneté au mode d'organisation de la cité), et comme les réseaux clientélistes ne suffisent plus à maintenir le niveau de vie dans un pays socialement laminé par la crise désormais humanitaire, le seul lien existant, phantasmé et souhaité résulte de l’altérité, alors poussée à l’extrême: une majorité des Grecs désire de la sorte la mise à mort physique (et non pas seulement politique) des dirigeants actuels. Déjà, c’est une façon de parler (en soupirant) qui se propage à travers le pays. Et c’est une des deux faces de cette même médaille de la crise... alors devenue régime politique, l’autre, étant la lassitude et le détachement.

Pharmaciens manifestant place de la Constitution. Athènes, le 10 mars

Ainsi, pour mon cousin Dimitri (enseignant dans le privé) que j’ai enfin rencontré après tant de semaines, les récentes mobilisations des enseignants du public, licenciés ou sur le point de l’être, l’indiffèrent: “Qui était alors venu me défendre lorsque je suis resté six mois au chômage ou après, lors de mon embauche par une autre école... et pour un salaire amputé de 60%. Je sais, les collègues à l’école publique souffrent aussi, seulement nous employés du privé, nous sommes déjà décimés par la crise. Je ne sais plus quoi dire, la politique même ne m’intéresse absolument pas, quoi qu’il arrive mon sort en est ainsi jeté”.

Je m'occupe de ma famille, je recherche un deuxième petit travail pour si possible compléter mes maigres revenus et cette quête, ne me laisse aucun répit... Maria est au chômage, puis, il y a notre enfant. La politique c'était un luxe du temps d'avant... maintenant qu’elle ne nous a rien apporté de généreux, c'est-à-dire d’humain... elle peut donc mourir à son tour. Et même si, un soi-disant fasciste ou un autoritaire prend alors le pouvoir, je m’en fiche... et quant aux politiciens, ils méritent le poteau d’exécution place de la Constitution”.

La dette et les politiciens escrocs. Revues “Unfollow” et “Hot Doc”, mars 2014

Il faut préciser également que mon cousin vient tout juste de subir un cambriolage très “audacieux” chez lui... ceci expliquerait autant un certain état d’esprit. Enfermés dans un univers privé, voire privatisé et cependant cambriolé d’en bas comme d’en haut, les Grecs disons majoritaires, seraient donc ces huit millions de révoltés solitaires et particuliers ; “particuliers”, c’est bien le terme approprié.

Par temps de crise et de crise de panique. Athènes, le 10 mars

Athènes, mars 2014

Et pour l’avenir, on préservera si possible des hommes et des lieux ce qui d’eux demeure encore disert, autant que leurs silences si éloquents. La Grèce en crise c’est donc ce pays au petit bruitage sociable devenu imperceptible, mais au bruit assourdissant jusqu’aux hurlements... fondamentaux. Internet et l’imaginaire de la civilisation de l’imagerie portative “s'occuperont” du reste pour ainsi parfaire les contours... acoustiques et réels de notre univers concentrationnaire grandeur nature. Y compris pour ce qui est de la segmentation des êtres en stalags révoltés... à part, héroïques certes mais divisés.

Comme durant la semaine dernière à Athènes, au moment de la manifestation des enseignants et des autres agents du public, le tout dans l’indifférence ou plutôt, dans la compréhension épuisée (au sens propre et figuré) des autres, image alors confortée et confortable de l’émiettement et de l’éclatement. Pour l’instant.

Athènes, mars 2014

Temps brouillés. Athènes, mars 2014

À travers ce patchwork, le lifestyle côtoie la littérature, de même qu’Alberto Moravia et David Sedaris, certains épigones d’Hitler... imagerie ainsi suspendue des kiosques peints à la publicité du breuvage... planétaire. Voilà semble-t-il ce qui échappe (entre autres) aux diverses gauches... au moment historique de la diversification finale de la droite. Temps ultime.

En face de ce kiosque d’ailleurs, un jeune homme courbé, mendiant et peut-être aussi sans-abri, cachait bien son visage, et cela, à deux pas des manifestants du jour sur le point de plier leurs banderoles. Univers qui n’est plus car désuni, sauf quant à l’essentiel: une société enrôlée de force dans un avenir destitué. À ce propos, et encore cette semaine, on vient d’apprend davantage sur les dernières (en date), exigences de la Troïka: Accélération du processus des licenciements dans la fonction publique et “libération” (sic) des licenciements collectifs dans le secteur privé, contrôle du financement des partis politiques, entre tant d’autres.

Démocraties d'antan sur le trottoir d’un bouquiniste. Athènes, le 6 mars

Le “gouvernement” Samaras ne s’y opposera plus et pour ne rien laisser au hasard, il prépare son énième coup d’état parlementaire à savoir, l’interdiction politique de l’Aube dorée, pour ainsi faire adopter le prochain mémorandum par une majorité de 142 députés, au lieu de 151 actuellement.

Cette fois-ci, SYRIZA n’est pas tombé dans le piège. Notre Constitution ou plutôt... présumée telle, réitérant les principes énoncés dès sa première mouture datant de 1975, c'est-à-dire promulguée aussitôt après la chute du régime des Colonels, n’autorise pas l’interdiction d’un parti politique, quelles que soient ses idées, il n’y a que les faits qui sont alors condamnables au pénal et cela même, au cas par cas, pas “en vrac”.

Mauvaises fréquentations. Athènes, mars 2014

Un livre cette semaine a suscité de très vives réactions lors de sa publication par un grand éditeur. Il s’agit du récit autobiographique de Dimitris Koufodinas, (emprisonné depuis 2002 et condamné en 2003 à la perpétuité), tête pensante de “l’Organisation révolutionnaire du 17-Novembre”, ou plus communément, le groupe terroriste “17 Novembre”, groupe clandestin d'extrême gauche et d'obédience marxiste.

Nikos Giannopoulos est le correcteur de l’ouvrage, il signe également son introduction et comme ce dernier est un proche de SYRIZA, “l'affaire” a vite pris les... justes dimensions de notre temps méta-démocratique. La presse mainstream et la Nouvelle démocratie ont évidemment cru trouver matière à s’indigner. Peine perdue, car de gauche comme de droite, la rue grecque considère que les “crimes” de Papandréou, de Samaras et de Venizélos, dépassent désormais et de loin, les forfaits commis par Koufodinas et ses camarades.

Dimitris Koufodinas et le 17N, à gauche. Presse grecque, mars 2014

Yorgos Trangas, vieux journaliste issue de la droite centriste et ami personnel de Pavlos Bakoyannis, ce dernier étant cet homme politique et journaliste assassiné en 1989 par le 17 novembre, Trangas a alors voulu rappeler certaines vérités (REAL-FM, le 6 mars): “Koufodinas et le 17 novembre, n'ont pas été condamnés pour leurs idées politiques car le Tribunal n'a pas reconnu la qualification quant aux faits reprochés comme telle. Dans ce pays, on peut... ou on pouvait penser encore... tout et son contraire du point de vue politique, et seuls les crimes reconnus et jugés ainsi au pénal, ont comme il est naturellement de droit, conduit aux lourdes condamnations d’alors”.

D’après le témoignage de Trangas, Pavlos Bakoyannis avait en son temps insisté pour qu’une interview réalisée avec un membre d’un groupe d’extrême gauche prônant aussi la “lutte armée”, soit publiée en entier par la revue qu’il dirigeait dans les années 1980: “C’était et c’est toujours une question de déontologie et de démocratie. Ces idées, comme celles de l’Aube dorée sont à combattre politiquement sur le terrain et non pas en les interdisant” (Trangas).

L'hospice des malades incurables en danger de fermeture, presse du 11 mars

Librairie. Contre la suppression du prix unique du livre. Athènes, le 11 mars

En ce moment en Grèce, la Régie ex-publique d’Électricité (DEI) est sur le point d’être coupée en morceaux, et ainsi mise en vente dans la braderie organisée, le prix unique du livre est menacé et la politique “culturelle” de la “gouvernance” Samaras veut imposer “d'urgence” la suppression, oui, l’abolition du statut des droits d’auteur des artistes et musiciens, (presse de la semaine).

Cette semaine encore, le ministère de l’Éducation, par une “ordonnance urgente”, interdit aux lycéens des quartiers Sud d’Athènes toute participation aux mobilisations des comités de quartier contre la “vente” des installations et des pistes de l’ancien aéroport d’Athènes à Ellinikon, tandis que des prélèvements ADN sont pratiqués chez certains habitants à Skouries au Nord de la Grèce qui luttent depuis deux ans, contre Eldorado Gold (quotidiens “Elefterotypia” et “Quotidien des Rédacteurs” du 12 mars).

L'ex-cabinet de Mihalis, vétérinaire. Athènes, mars 2014

La horde des êtres offshore bien d’ici, de Bruxelles, de Berlin et du FMI, expérimentent en Grèce le modèle holistique de la nouvelle Europe totalitaire... de l’âge II, il n’y a guère de doute. Nos moments de sociabilité se raréfient alors au fur et à mesure que notre pays se déréalise sous nos yeux. Reste pourtant, cette humanité et sa “solidarité organique”, organisée d’en bas intarissable ou spontanée, preuve s’il en faut que le lien social ne se laisse pas assassiner si facilement.

Docteur Mihalis, vétérinaire du quartier, avait donc sauvé la vie de notre voisin Christos (chômeur et non assuré social) lorsque ce dernier a fait un malaise et à défaut de véhicule du SAMU disponible; impossible à faire venir, et de toute manière, avant deux bonnes heures. L’hôpital le plus proche en dispose trois, au lieu d’une douzaine avant le mémorandum et dès lors de la politique génocidaire lente, appliquée par les ministres de la Santé (?). “Je suis un ‘chatochienologue’, rien de plus, mais je peux tout de même assister mon prochain, après-tout, nous sommes tous des animaux, surtout par ce temps de crise, non ?”, dit-il alors Mihalis.

Mihalis vient de quitter Athènes pour se réinstaller dans son île en mer Égée. Nos temps de sociabilité sont autant des moments d’aporie, de tristesse et de félicité.

Animal adespote. Athènes, mars 2014




* Photo de couverture: Manifestation. Athènes, le 6 mars