Les affaires courantes passent décidément mal. Le para-régime d’Antonis Samaras s’est séparé du secrétaire général du “gouvernement” Takis Baltakos, suite à une vidéo rendue publique (via rutube !) par le député de l’Aube dorée Ilias Kassidiaris mercredi 3 avril dans la journée.
La vidéo Kassidiaris - Baltakos. Source “To Pontiki”. Athènes, le 3 avril |
On y découvre en version filmique ce que l’on savait (presque) déjà. Baltakos, sous un ton amical et bien familier, finit par admettre que les emprisonnements des élus Aubedoriens ont été... judiciairement téléguidés par Samaras et ses ministres, dans le but de récupérer les voix... de la parentèle étendue et finalement si proche, face au péril... rouge du parti de la Gauche radicale.
“Samaras a eu peur pour lui-même lorsqu'il a réalisé que l'Aube dorée lui enlève ces voix, lesquelles justement qui lui permettraient de devancer SYRIZA. Comme c’est un grand-bourgeois, il pensait au départ que vous feriez du 2%, or je lui ai dit que votre score serait plutôt proche du 20%. ‘T’es un con’, fut-elle sa réponse, mais finalement il a compris. Athanassiou (ministre de la justice) et Dendias (ministre de l’Intérieur) ont donné cet ordre à Goutzamani (Procureur auprès de la Cour Suprême) pour qu’elle agisse de la sorte. Oui, les juges ne disposaient d'aucun élément tangible pour vous incarcérer. Goutzamani est arrivée à son poste rien que parce qu’elle est originaire d’un village voisin de celui de Samaras. En ce moment, elle... rembourse sa dette”. Évidemment, les intéressés ont tout nié en bloc jeudi matin, et il va falloir enquêter réellement pour établir les faits.
Athènes, avril 2014 |
Ilias Kassidiaris a officiellement mis cette vidéo à disposition du “Parlement” en déclarant ceci: “Au nom de la Constitution et du peuple grec, cette vidéo est désormais à votre disposition. Elle contient les termes du dialogue exact, entre moi-même et le secrétaire général du Gouvernement Panayotis Baltakos. Je vais autant saisir la justice et en témoigner, et d’autant plus que cette même institution de la Justice a été je dirais au sens propre violée par le gouvernement Samaras. Pour dissiper tout doute éventuel quant à l’authenticité de mon témoignage, je précise que cet échange a été filmé. Ce document est autant une pièce à charge pour le gouvernement Samaras dans une procédure alors imminente auprès de la Cour européenne de Strasbourg”.
Baltakos et Samaras, source “To Pontiki”. Athènes, le 3 avril |
“Tous ces éléments conduisent sans aucun doute à prouver le crime d'abus de pouvoir, du moins pour ce qui est du ministre de la Justice. Dans les prochains jours je vais officiellement saisir l'Assemblée afin d'enquêter sur lui. La séparation des pouvoirs ainsi que la souveraineté du Peuple ont été ainsi irrémédiablement atteints. De ce fait, c’est l’article 120 de la Constitution dans son alinéa 4 qui est donc activé” (Source: “To Pontiki”).
Effectivement, la Constitution grecque adoptée en 1975 après la chute de la dictature des colonels, dispose clairement d’un droit de résistance (article 120): “L'usurpation, de quelque manière que ce soit, de la souveraineté populaire et des pouvoirs qui en découlent est poursuivie dès le rétablissement du pouvoir légitime, à partir duquel commence à courir la prescription de ce crime. L'observation de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister par tous les moyens à quiconque entreprendrait son abolition par la violence”.
Panayotis Baltakos. “Sans scrupules, stupides ou incompétents ?” - “To Pontiki” du 3 avril |
Kassidiaris a raison... sauf qu’il ne prononce pas une seule fois le mot Démocratie, on connait ses... allergies. Du côté de SYRIZA l’argumentaire est sensiblement le même, en plus de celui indiquant de l’évidence des rapports entre l’Aube dorée, son anti-systémisme... du dedans, le para-État des... Samaritains historiques et hystériques, tels les ministrions Voridis et Georgiadis, transfuges depuis le parti LAOS à la Nouvelle démocratie (de Samaras) du temps de la “gouvernance” du banquier de Papadimos (2011-2012), ce dernier “bien” choisi par Angela Merkel et les autres maîtres-créanciers... en heure et à temps.
Je rappelle pour une énième fois sur ce blog que cette junte qui nous gouverne depuis, d’abord sous sa forme de coalition tripartite (suite au prélude Papandréou), fut composée par le parti de l’extrême-droite LAOS, les escrocs para-socialistes du PASOK (Papandréou et Venizélos) et de la Nouvelle démocratie.
Ainsi, et comme je le remarque une fois de plus en lisant par exemple ces journaux si peu crédibles et institutionnellement hypocrites (de temps à autre) lorsqu’elles évoquent ces affaires grecques en tout cas, “Le Monde” pour ne pas le citer, leur journalisme reste (volontairement ?) épidermique, se refugiant toute vision disons plus globale et profonde des faits.
Il faut tondre la menterie des politiciens. Athènes, le 3 avril |
D’après notre Constitution, celle qui fut de fait annulée par les Papandréou, Samaras, la Troïka et donc l’hyper État des européistes et des autres hystériques de l’hyper libéralisme, en Grèce, toutes les idées peuvent être exprimées librement, dont celles des Aubedoriens, il y a que les actes, les faits qui peuvent être reprochés et c’est très bien ainsi.
Sur la radio Real-Fm et autant sur celle de 105,5 (de SYRIZA) jeudi matin 3 avril, des éditorialistes sensés ont alors répété ce que j’ai autant relevé depuis des mois. La criminalisation de l’Aube dorée en vrac est l’antichambre de la criminalisation de tout parti et mouvement qui pourrait faire obstacle à l’ordre établi du para-État de Samaras, à celui des barons bien de chez nous et évidement de la Troïka. Tous les partis de gauche sont notamment et potentiellement visés, les mouvements anarchistes, et autant les résistances locales et de terrain, commençant par celle des habitants de Skouries à Chalkidiki, contre les mines d’or par exemple.
C’est cette même logique insensée de Samaras consistant à “passer commande” à la justice et aux medias, qui prévaut depuis deux ans, lorsqu’il fut question par exemple, des emprisonnements après irruption des forces de la police chez les habitants à Chalkidiki dans la nuit, ou lorsqu’il a été “raisonnable” de maquiller les photos des jeunes anarchistes torturés lors de leur incarcération suite à un braquage manqué au nord de la Grèce (2013) - analyses de Yorgos Trangas (Real-Fm) et de Costas Arvanitis (105,5).
Le fils Baltakos, “To Pontiki”. Athènes, le 3 avril |
Mercredi 3 avril dans l’après-midi, le fils de Panayotis Baltakos, 25 ans et d’appartenance récente au corps de garde-côtes suite à l’intervention de son père exécrant de toute son influence (d’après la presse grecque en tout cas), a fait irruption au sein du “Parlement”. Se dirigeant tout droit vers les bureaux du parti de l’Aube dorée, il a alors frappé et molesté certains des députés Aubedoriens se sentant ainsi trahi par ses... proches au dire de tous les analystes et connaisseurs des parentés symboliques et effectives au sein des droites grecques. Et le jeune homme serait reparti même escorter par un policier (radios 105,5 et Real-FM)... en tartarin souriait comme si de rien n'était.
C’est alors ainsi au pays déconstitutionnalisé, un individu pénètre au sein du “Parlement”, il frappe des élus et il repart... parce qu’il est le fils de Baltakos et du népotisme. Depuis, le petit Baltakos a été certes suspendu de son corps et une enquête est ouverte sous ordre urgent du ministre de la marine et de la mer, Varvitsiotis.
Athènes, avril 2014 |
“Sans scrupules, stupides ou incompétents ?”, telle est la question posée par l’hebdomadaire “To Pontiki” jeudi matin à propos de Samaras et des siens. Je dirais que ces gens n’ont pas de scrupules et sont à la fois stupides, incompétents et surtout profondément antidémocrates, autant sinon plus que les autres élites européistes (socio-démocrates compris).
Nos mutations (en Grèce déjà) sont terribles. Voilà que les Aubedoriens aussi peu enclins au régime démocratique (même volatile) se voient obligés d’évoquer la violation des droits fondamentaux et de la Constitution à laquelle ils n’y croient guère. Voilà que certains ministrions de Samaras sont autant des adeptes (et épigones) des juntes avérées, jadis celle des Colonels, actuellement celle de l’irréformable UE des marchés et des escrocs créanciers, n’en déplaise à certains amis Syrizistes... de droite et de gauche qui prônent encore cette arlésienne de “l'autre Europe possible”.
Athènes, avril 2014 |
“Le très fameux 'sens de l'histoire', dont il aurait été plutôt raisonnable en ce début de XXIe siècle, de constater la disparition définitive, ne cesse pourtant d'être invoqué en permanence, contre tout sens historique, sinon contre toute logique. Le vieux rêve progressiste persiste à vouloir affranchir l’homme du tragique de sa condition, pourtant rappelé avec une constance, sui confirme à l’acharnement, par notre quotidien. L’histoire de nos sociétés industrielles ne justifie aucune gloriole quant à leur capacité à assurer une redistribution équitable des fruits de l’accroissement de la richesse. Les inégalités sont de plus en plus fortes. Quant aux rapports entre industrialisation et démocratie, ils sont de plus en plus fragiles et problématiques, voire douteux. Ce constat évident est une contre-promesse directe à l’idée de progrès, qui demeure pourtant le fil directeur de nos politiques, toutes fondées sur le postulat de l’amélioration et de la modernité”, note Frédéric Joly, traducteur de l’ouvrage de Christopher Lasch, “Le Seul et Vrai Paradis - Une histoire de l'idéologie du progrès et de ses critiques”.
Je remarque simplement que les fruits de l’accroissement... de la stupidité sont quant à eux si bien distribués, et que “nos” politiques actuelles, sont toutes fondées sur le postulat de la détérioration et du génocide économique ouvertement revendiqués, autant que de la modernité. Le sens historique... se mord alors la queue.
Le (dernier ?) festin... des Baltakos comme jadis celui de Balthazar (qui avait d’ailleurs inspiré Rembrandt) demeure alors un présage de destin douloureux et malheureux. D’autant plus que depuis Babylone et jusqu’à Athènes, si décomposée de cet avril 2014, l’histoire n’a pas de sens. L’humanité serait de toute évidence ailleurs.
Athènes, avril 2014 |
* Photo de couverture: Athènes, avril 2014