Greek Crisis
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Tuesday, 13 January 2015

Contours inimaginables/Unimaginable contours



Notre immense modernité surclassée, sait encore et précisément, comment remanier les faits ainsi que leurs symboles. Et cela, jusqu’au détournement... bouclé. Il y a un moment déjà, pendant la deuxième moitié du siècle antérieur, que Günter Anders, lequel ne s’accommodait plus du tout des illusions de l’historicisme occidental, écrivait alors ceci: “Notre défaut fondamental, (c’est) notre incapacité à nous imaginer autant de choses que nous sommes capables d'en produire et d'en faire fonctionner”. Pour le meilleur et surtout, pour le pire.

Antonis Samarás... en caricature. “Je suis l'Aube dorée sérieuse”. “Quotidien des Rédacteurs”

Pour le philosophe autrichien juif d'origine allemande, cousin de Walter Benjamin et époux d’Hannah Arendt (de 1929 à 1937), c’est en raison de ce fatal décalage que nous nous laissons entraîner à produire et utiliser nos funestes instruments, quitte à provoquer avec eux des effets apocalyptiques. Nous en sommes là, et ce sont dès lors les préliminaires de ce court XXIe siècle à l’actualité tragique que nous avons vécu en... observateurs si participants, la semaine dernière.

Au moment même que se déroule la campagne électorale en Grèce, et pendant toute sa durée (le scrutin législatif aura lieu le 25 janvier), de nombreuses tonalités politiques alors porteuses de l’hétéronomie “démocratique” parmi les plus insidieuses du genre, à l’instar de François Hollande (déclarations du 5 janvier 2015), se sont exprimées pour répéter en somme ceci: quoi qu’il arrive, c’est à dire, indépendamment du vote, les Grecs doivent respecter les engagements (en effet, pris en leur nom), par les gouvernements de la Troïka. Ceux précisément qui pratiquent tant de violations répétées de l'esprit comme de la lettre même de la Constitution, engagements pour tout dire conduisant tout droit vers un régime politique de la méta-démocratie... rotatoire, sur le dos des roturiers et des autres... assistances trop ordinaires.

Caricature de Papandréou, annonçant la création de son nouveau parti. Presse grecque, janvier 2015

C’est alors ce règne usurpateur se réclamant de certains chiffres et de quelques lettres, en réalité de tous ces emails adressés de manière... exécutante aux membres du “gouvernement grec”, qui s’exprime de la sorte. Je note que ces invectives à la démocratie, sont ensuite devenues les lois du Mémorandum, parfois adoptées avant même leur traduction complète depuis de la langue de Shakespeare... et de la Troïka.

Justement, c’est ce mémorandum que le parti SYRIZA de la Gauche radicale, annonce qu’il va abolir, en cas de victoire électorale (lui accordant surtout la majorité absolue au Parlement) maintenant, dans moins de deux semaines. Je répète que la Troïka, composée du Fonds monétaire international, de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne ont fait irruption dans la vie quotidienne en Grèce en 2010, mettant le pays sous sa tutelle. Depuis, la société grecque est entrée dans une nouvelle historicité dont elle n’imagine toujours pas les contours, et d’abord, par ce qu’elle ne les a pas inventés.

Et au-delà de la novlangue de l’économisme et du journalisme mainstream, cette “stratégie du choc” ainsi vécue et pratiquée, ne laissera plus aucun répit à la population. Multirisque pour pratiquement l’ensemble de la société et pour sa cohésion, multidimensionnelle par sa conception, cette stratégie s’apparente effectivement à un “choc total”, introduisant un régime politique aux antipodes de celui de la démocratie, déjà de type occidental, (en passant par la paupérisation, la généralisation de la gestion des sociétés par la peur et aussi, par la répression et le “sécuritarisme” ambiants).

Action sur le terrain dans la lutte contre les mines d'or à Skouriés. Janvier 2015

Or, cette “gouvernance” de la Troïka, et d’une manière plus... intégrale, celle de l’Union Européenne, se trouvent à l’épicentre de l’hétéronomie si socialement sismique (et cynique) de notre nouvelle ère, interdisant ex lege comme de facto, tout exercice réellement (ou de préférence de tendance) démocratique. Et une des conséquences (directe ou indirecte, c’est selon) de cette usurpation des souverainetés (chez nous comme ailleurs), tient de la propagation du... flexterrorisme de la semaine dernière en France, et autant, de sa... cousine germaine en matière de politique méta-sociale, la flexisécurité au travail, pour ne pas dire l’austérité tout simplement, si tristement connue de tous, en cette Europe européiste.

C’est ainsi que les gouvernants apparents de cette piètre Europe (dont les méta-nazifiés de Kiev), ont paradé hier à Paris pour dire “qu'ils étaient Charlie”, surfant alors sur l’émotion réelle du peuple de France, fort heureusement encore vivant et réactif, pour ainsi en faire de la bouillie réchauffée dans... les micro-ondes de la propagande. Et certains grands médias dans toute leur petitesse habituelle, ont superbement rempli ce rôle. Le sentiment, sa canalisation médicamenteuse (c’est à dire médiatique et orchestrée), au lieu et place de l’analyse et du raisonnement.

Le nouveau sans-abri d'après les habitants d'un quartier. Athènes, janvier 2015

C’est alors ainsi que le (politiquement) lugubre Samaras, est venue défendre la dignité et la liberté d’expression, lorsque sa politique troïkanne a déjà fait dégringoler la Grèce de plusieurs places quant à l’exercice d’un journalisme digne de ce nom, et lorsqu’il se pratique du pouvoir transformé une partie de la Police en bataillons prétoriens lesquelles maltraitent et agressent les citoyens (et les non citoyens), tout comme les journalistes de terrain. Au pays d’Antonis Samaras, il y a certains journalistes, d’ailleurs parfois proches de l’esprit de Charlie Hebdo, qui sont devenus handicapés, après avoir... rencontré les RoboCops des unités MAT (CRS). Et il y a en a d’autres, dont la vie a été sauvée in extremis par les médecins et alors parfois par le hasard.

Pis encore, la politique de son gouvernement (et de la Troïka) sont responsables de quelques milliers de morts ici, par suicide, par maladies non traitées (25% de la population n’a plus de couverture Santé), et des pathologies déclenchées ou aggravées par la “crise”. Ce dernier terme relève comme on sait de l’euphémisme en cours, d’usage pour designer une politique sciemment programmée car issue de l’intégrisme du financierisme, tout autant hétéronome (les sociétés ne sont pas gérées par elles-mêmes et elles n’ont pas la maîtrise de leurs lois) que l’intégrisme se réclament d’une certaine interprétation du fait religieux (déjà hétéronome par essence).

Boutiques en faillite. Athènes, janvier 2015

La boucle est alors... bouclée. La France découvre à l’occasion la méta-modernité tragique et barbare du XXIe siècle et dirait ainsi adieu (c’est... presque le mot), aux modernismes de son XXe siècle, dont les enfants vaillants et emblématiques étaient aussi ces dignes dessinateurs des nos apories et autres carences, justement de Charlie Hebdo, au-delà même de l’éventail des divergences politiques.

Donc les Français, ainsi que les autres peuples qui ont ainsi manifesté ces derniers jours, ont voulu défendre la liberté, leurs libertés. Sauf que le relâchement général quant au contrôle tangible des dirigeants politiques européens (et occidentaux) est déjà bien long. Comme je l’écrivais récemment sur ce blog citant Cornelius Castoriadis, il faut soit se reposer, soit demeurer libre. Cependant, on ne peut pas dire que nos concitoyens aient saisi l’ampleur ou sinon, toutes les manigances des menaces qui en ce moment galopent sur nous.

Déjà aucune décision fondamentale quant à notre survie citoyenne (donc politique) pour ne pas dire quant à notre survie tout court, n’est soumise à la raison commune après débat, évidemment non biaisé par certains médias, auxiliaires de la para-démocratie hystérique. Hystérique au sens déjà premier du terme en grec, c’est à dire en manque de quelque chose. Et cette chose qui fait défaut, c’est la Phronesis et la Raison. Ni plus ni moins, et précisément c’est ce qui manque autant et si cruellement d’ailleurs, aux porteurs du terrorisme qui se référent à une quelconque religion et plus amplement idéologie, par définition autosuffisante. Loin, très loin de la pensée censée (souvent au forceps) nous conduire à nous remettre en question et à saisir certaines limites, individuelles et surtout collectives.

La presse grecque lorsqu'elle montre les Français qui s'expriment après le choc. Athènes, le 12 janvier

La presse grecque progouvernementale lorsqu'elle montre nos dirigeants hypocrites. Athènes, le 12 janvier

Or, penser c’est douter. Nous n’y parvenons toujours pas, je le crains fort en tout cas. Douter par exemple sur la tentative de récupération de la tragédie depuis... le commun des européistes, leur silence aussi sur leurs responsabilités avérées dans ce qui est convenu d’appeler sans trop la nommer... la nouvelle configuration de la géopolitique au Proche-Orient. Lorsqu’on fait tout pour défaire les souverainetés, voire même les sociétés dans de nombreux pays... le renouveau n’est guère une surprise et ne tombe pas du ciel. Ces agissements dans la géopolitique du monde des uns (et des autres) ne sont jamais réellement débattues publiquement, autrement qu’à travers le miroir de la propagande. Tout comme certaines politiques bien néfastes à la cohésion (désormais fragile) au sein des sociétés occidentales. Pour ne rien dire du traité de libre-échange transatlantique (TTIP) loin des regards et dont le contenu, demeure secret.

C’est ainsi que l’usage médiatique de la dangerosité des terroristes à l'idéologie fort radicale, dissimulera celle du TTIP par exemple, celle qui pèse sur nos libertés... indéfendables, car décousues entre elles, et séparées (à jamais ?) d’un projet de société citoyenne, autonome et souveraine. C’est alors une idiotie fabriquée, de dire (comme de la part de certains analystes et journalistes) que l’unité populaire française de cette semaine, serait donc comparable à celle qu'ait connu jadis ce pays depuis la période de la Libération en 1944-1945.

Publicité pour un entrainement se réclamant de l'autodéfense... réaliste. Athènes, janvier 2015

Publicité pour un entrainement se réclamant de l'autodéfense... réaliste. Athènes, janvier 2015

Sans vouloir participer du débat fructueux entre mes confrères historiens de la France (j’ai été formé en tant qu’anthropologue et historien tout de même à Paris et à Amiens !), je dois rappeler que le premier acte du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) entre 1944 et 1946, fut de s'opposer à la mise en place d'une administration militaire américaine intérimaire, l'AMGOT, de mettre en place la sécurité sociale (1945) et les allocations familiales (1946), fondements de l'État-providence en France, entre autres mesures prises dans le cadre et le souci de la souveraineté.

Ce n’est plus le cas actuellement. Les élites politiques en Europe européiste pratiquent exactement tout le contraire, se réclamant en plu de la démocratie et de la défense des libertés, montrant du doigt la menace d’en bas (et du dehors culturel et géographique), pour mieux dissimuler cette autre menace globale, comme globalisante, qui finira à mon avis dans moins de vingt ans (et à défaut d’un grand réveil) par abolir les derniers restes des libertés, des droits et des procédures (encore) potentiellement démocratiques. Le tout, à travers la canalisation médiatisée d’une quantité de mesures sécuritaires, muées en actes (quasi) constitutionnelles, donc durables (au-delà des urgences nécessaires).

Et je crains autant l’usage (fait par les élites), du choc réel et justifié que connait la société française actuellement, pour ainsi foncer dans la direction citée précédemment, celle d’un mémorandum à la française, sous prétexte de l’unité nationale. Et à défaut de cette dernière, vivre sous un état d’urgence permanant, sous la peur confuse et diffuse d’un terrorisme... maniacorépressif et pourtant réel, lorsque peut-être la peur de la dette, ou celle de l’abandon de l’euro ne suffiront plus pour anéantir les rections.

Local dédié à la campagne électorale de SYRIZA. Athènes, janvier 2015

Étrange alors coïncidence. Au moment où certains mouvements politiques depuis la Grèce et jusqu’à l’Espagne en passant par l’Italie, se rapprochent du (petit) pouvoir gouvernemental, se réclamant de l’imaginaire... parfois praticable, de la Dignité, de la Justice et de la Démocratie, voilà qu’un nouveau facteur intégral et intégriste (toutefois prévisible), restructurerait en quelque sorte les imaginaires, les prenant ainsi par la main... invisible du dit marché. Et à l’opposé d’une telle vision, bien nombreux et heureux ont été ceux qui ont découvert à Paris dimanche, le manifestant et Résistant (aussi) de l’autre guerre d’il y a 75 ans, Manólis Glézos (actuellement député européen SYRIZA), loin des officiels et de leur sens trop commun. Alors, Dignité, Justice et Démocratie.

D’où, tout l’intérêt, authentiquement européen des élections grecques du 25 janvier. En réalité, le programme de SYRIZA est, toute proportion gardée, équivalant à celui du GPRF en France, entre 1944 et 1946... l’euro en plus. En finir avec “l'AMGOT” du moment, c’est à dire la Troïka, puis, trouver le chemin de la relève. L’argument avancé par SYRIZA est le suivant: puisque la Grèce est devenue déjà le laboratoire le plus avancée de la nouvelle Europe (méta-démocratie, paupérisation, répression, gestion de la société par la peur, abolition des droits et des libertés...), eh bien, elle peut autant devenir son contre-laboratoire de la relève sans l’austérité.

Rien n’est très évident dans cela, et je ne suis pas le seul à émettre certains doutes quant à la faisabilité du projet sans dislocation de l’Union européenne (car la dislocation de la zone euro conduirait mathématiquement à celle de l’UE). Pour le moment c’est tout le contraire qui semble se profiler, et même une partie des médias et des analystes (et parfois politiques) en Allemagne, ne considèrent plus SYRIZA comme un épouvantail, et ne pensent pas que la Grèce quittera l’Euro.

Affiche du Parti communiste KKE. Athènes, janvier 2015

Magasin fermé et affichage publicitaire. Athènes, janvier 2015

En attendant la suite, les affiches électorales reviennent occuper le devant de la scène, cela-dit, beaucoup plus timidement que par le passé. Cette étrange campagne électorale au beau milieu de l’hiver européen, sera la plus courte et la moins parlante de toutes jusque là. Les gens en effet, s’expriment moins que par le passé. Par amertume, par attentisme, par lassitude ? Peut-être.

D’autres affiches du moment, font la promotion d’un “système réaliste et pratique d'autodéfense, basé sur les réactions instinctives, tant que sur les reflexes naturels”. Nous ne sommes pas trop loin de la terreur, “d'en bas”, “d'en haut” et de la mécanique sociale appliquée. Cerveaux reptiliens et alors, homéostasies élémentaires et fermées.

Un système clos, à la manière des intégrismes religieux ou autres, le tout, sous la “gouvernance” mondiale... à l’occidentalotropisme prononcé, telle est la visée à moyen terme, et l’Union Européenne ne serait qu’une étape. Inévitablement, sous un air de fausse liberté et d’ouverture de toutes les frontières, si besoin, tout juste numériques pour le plus grand nombre, et cela, encore en raison de ce fatal décalage que nous nous laissons entraîner à produire et utiliser nos funestes instruments, quitte à provoquer avec eux des effets apocalyptiques qui plus est, devant une urgence écologique, également liée aux ressources, cependant plus cruelle que jamais.

Et notre immense modernité surclassée, ne saurait alors que faire précisément des faits, ainsi que des symboles. Il y a des êtres qui nous regardent bien de travers déjà paraît-il. Nouvelle historicité aux contours inimaginables.

Il y a des êtres qui nous regardent bien de travers. Athènes, janvier 2015




* Photo de couverture: Manólis Glézos à Paris le 11 janvier. Source: Twitter: @OlivierDrot et Okeanews.fr