Greek Crisis
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Sunday, 28 June 2020

Agapes



Il fut un temps pas si lointain, où le pays réel dansait et chantait à chaque occasion. Car des occasions il y en avait. Sa pauvreté, abritée sous sa dignité était généralement synonyme de litote, plutôt que de misère. La classe aisée quant à elle, si bien commode du pays d’en haut, elle avait parfois des bonnes idées. Photographier par exemple la vie de tous les jours, autant que les paysages que l’on croyait alors figés pour toujours. La photographie était encore une pratique onéreuse, voire un art. Le Smartphone... compresseur est arrivé comme on sait un petit siècle plus tard.

Nikólaos Tombázis 1894-1986, photographe et aventurier

Nikólaos Tombázis, photographe et inévitablement aventurier, était de cette classe aisée et en son temps cultivée. Nous lui devons tant de clichés, entre autres ceux issus des fouilles historiques en Grèce durant la deuxième moitié du siècle passé. Le visiteur du musée de Nauplie, pourra par exemple admirer les photographies de Tombázis, réalisées au moment des fouilles historiques en Argolide.

On y découvre certes les équipes des archéologues mais autant le personnel dit technique, souvent local ; leurs fêtes partagées sur les sites même comme à Mycènes, leurs agapes, les agneaux cuits à la broche et enfin, cette félicité alors largement partagée. Il faut dire que le “petit peuple” dans toute sa grandeur avait largement participé à sa manière à toutes les grandes fouilles en Grèce, allant du dix-neuvième siècle, jusqu’aux années 1960 du siècle suivant.

Pour ces agapes immortalisées de la sorte, c’était notons-le un événement unique en ce lointain septembre 1953, à l’intérieur même de la tombe du Lion, située à l’extérieur de l’enceinte de la forteresse de Mycènes en contrebas des remparts, dans la salle enterrée du thólos. Temps bien lointains il faut dire, temps ainsi plus lents. Depuis, rien ne va plus, le train pour Nauplie a été supprimé il y a déjà un moment. Au pays voué à sa nouvelle musique, l’ancienne gare est désormais un bâtiment parmi d’autres, abritant la fanfare de la ville, plus un café autant fréquenté par les popes visiblement chanceux de notre Orthodoxie... comme si de rien n'était.

Agneau cuit à la broche. Photo de Tombázis, Mycènes 1953

Agapes. Photo de Tombázis, Mycènes 1953

L’ancienne gare. Nauplie, juin 2020

Nos popes visiblement heureux. Nauplie, juin 2020

Nikólaos Tombázis, enfant de la diaspora grecque est né dans les locaux de l’Ambassade de Grèce à Saint-Pétersbourg en 1894. Son père cependant, a sitôt fait enregistrer la naissance de son fils dans l’état civil grec de l’île ancestrale de la famille, à savoir Hydra. La nature et surtout les montagnes ont attiré la curiosité de Nikólaos et ceci dès son jeune âge.

Son premier appareil photo, un Eastman Kodak Brownie Model B Box l’a vaillamment accompagné sur les sites archéologiques et les montagnes de Grèce, ainsi que sur les sommets, auxquels il avait déjà pu grimper dès l'âge de 16 ans. Ses premières photographies datent ainsi de 1912 à 1916, il les collectionne d’ailleurs dans un album fait main, intitulé “Grèce - Tours 1912-1916”.

À l’âge de dix-huit ans, il a été embauché comme agent de vente pour les frères Rálli en Inde. Au cours des trente années suivantes, il s’est adonné à la photographie, ainsi qu’à l’alpinisme, à la pêche, voire, à l’élevage de chiens. Il avait à l’époque escaladé la plupart des sommets montagneux de l’Himalaya et des Alpes suisses, où il passait ses vacances et qu’il photographiait régulièrement. En 1925, il organise une mission d’alpinisme sur le mont Sikkim de l’Himalaya, cette Terre dite “du bonheur”, contrée située au cœur de l’Himalaya oriental entre le Népal à l’ouest, le Bhoutan à l'est et le Tibet au nord. De cette expérience, il publiera son “Compte-rendu d’une expédition photographique sur les glaciers du sud de Kangchenjunga dans le Sikkim Himalaya”.

Des années de lumière naturellement du pays réel d’alors et peut-être bien de toujours. Pendant ces mêmes années, mes grands-parents en Thessalie ne connaissaient pas l’électricité, ils se rendaient à Tríkala, la ville proche de seulement quelques kilomètres à pied ou à cheval. Il va de soi que tous les membres du lignage vivaient sous le même toit, leurs maisons étaient alors en torchis; leur résidence était strictement patrilocale et au village, tout... le monde possédait des armes. Plus prosaïquement, mes ancêtres thessaliens possédaient autant plus de deux mille ovins et caprins, des gallinacés, ainsi que des buffles et autres bovins d’élevage et de trait. C’était l’époque prometteuse de la première École vétérinaire à Athènes, inaugurée en 1924 ; on était bien loin des campagnes de stérilisation des chats grecs, animaux adespotes, sans maître par excellence comme on sait.

Ancienne maison en torchis. Thessalie, janvier 2020

Objets usuels d’autrefois. Thessalie, janvier 2020

Thessalie presque profonde. Janvier 2020

Animal adespote. Péloponnèse, juin 2020

Tout un autre monde. Mon grand-père n’a quitté le village et sa contrée que deux fois dans sa vie. La première fois en jeune homme lorsqu’il était mobilisé sous les drapeaux durant la guerre gréco-turque de 1919-1922, et la deuxième fois en vieillard prématuré du pays réel, opéré en 1965 à Athènes car soufrant d’un cancer de l’estomac. Revenu au village, il est décédé trois semaines après ; pour faire face aux frais médicaux la famille a dû vendre une vache ainsi qu’un petit terrain agricole. C’était bien trop tard.

Et quant à la photographie, n’en parlons presque pas. Loin des pratiques des Tombázis, la seule photo connue de mes grands-parents est celle réalisée chez un photographe de Tríkala dans les années 1960, le couple déjà vieux y figure aux visages alors figés comme d’usage, pour eux, la photographie c’était toujours un luxe.

En 1945, mes ancêtres revenus quelque mois auparavant à leur village thessalien avec la libération, ils reconstruisaient coûte que coûte leur maison. Elle avait été brûlée par les Allemands occupants, avec il faut préciser, l’aimable collaboration des traîtres locaux d’alors. La famille avait trouvé refuge dans une cachette sur la montagne d’en face, ces temps lui ont été bien durs, d’ailleurs, la guerre civile ne faisait que commencer dans une Thessalie il faut dire singulièrement ensanglantée par le nouveau massacre, cette fois entre Grecs.

En cette même année 1945, Nikólaos Tombázis prenait sa retraite de la société “Rállis Brothers” pour retourner en Grèce, où il devient photographe professionnel. À partir de 1950, il se consacre principalement à la photographie archéologique. En collaboration avec la Société archéologique, il a saisi les plus beaux moments des fouilles des archéologues grecs comme étrangers de l’après-guerre.

L'équipe des archéologues au complet. Photo de Tombázis, Mycènes 1953

La Volkswagen Coccinelle. Nauplie, juin 2020

La Coccinelle de Yórgos Séféris. Londres, le 20 août 1962

Cette saisie alors détaillée du processus des fouilles ainsi que l’enregistrement photographique des découvertes archéologiques y afférentes, feront de lui l’un des meilleurs photographes du genre. Dans le même temps, il a admirablement capturé les paysages et les hommes de la campagne grecque bien de son temps, léguant aux jeunes générations une précieuse présomption historique quant à la physionomie des lieux, tout comme quant à la vie quotidienne du pays réel. Dont ses fêtes et ses agapes, telles que mes grands-parents avaient autant pu pratiquer sans jamais pouvoir immortaliser ces moments.

En tout cas, l’amour de Tombázis pour le paysage et pour les monuments grecs - anciens et byzantins - lui a fourni un partenariat permanent avec le ministère du Tourisme. Ses photographies ont ainsi figuré durant plus de trois décennies dans des publications et guides touristiques dans les années 1950 en ensuite, ou illustré de nombreuses publications archéologiques. Il travaillait d’ailleurs sans arrêt. Il avait labouré la Grèce entière à la recherche de sites archéologiques, toujours son sac sur l’épaule et prenant le bus, à une époque où les bus étaient aussi lents que les mulets.

Cependant, il avait le don de la patience, de la persévérance, comme il disposait largement de son temps libre. Quand il ne trouvait pas de bus, il marchait, ce n’est pas un hasard si tout au long de sa vie il était resté maigre. Il n’aimait guère les fêtes ou les soirées, à part bien entendu sa grande fête bien à lui, à savoir, tirer et trier ses photos dans son atelier. Décédé en 1986, ses archives, totalisent environ trente mille négatifs et un grand nombre de tirages d’exposition originaux, ce n’est pas rien, voir la vie de Nikólaos Tombázis, 2015.

Masques de cérémonie en terre cuite, VIIe siècle avant Jésus Christ.. Musée archéologique de Nauplie

Au sujet des frontières, IIe siècle avant Jésus Christ. Musée archéologique de Nauplie

En notre époque aseptisée. Péloponnèse, juin 2020

De notre grand temps, les bus sont rapides et cependant, les mulets réapparaissent déjà timidement dans les campagnes. Ici ou là, on porte alors masques et gants, mais de moins en moins. Les rares visiteurs du musée de Nauplie, découvrent à leur guise mais alors masqués, les photographies de Tombázis, de même que les trésors archéologiques de l’Argolide qui s’y trouvent. Tels les masques de cérémonie en terre cuite de Tirynthe, datant du VIIe siècle avant Jésus Christ., ou encore, cette stèle du IIe siècle avant Jésus Christ., attestant de l’arbitrage des émissaires de Míletos et de Rhodes, lors du dénouement d’un différant quant à la délimitation exacte des frontières, entre Épidaure et Ermióni. Comme quoi, les frontières ont toujours existé entre les peuples et les groupements humains, c’est ainsi.

C’est alors à Nauplie que l’on découvre parfois et à part d’abord les chats, quelques raretés historiques de notre système technique, telle une Volkswagen Coccinelle restaurée, datant des années 1960. On se souviendra qu’elle fut la voiture personnelle du poète et diplomate Yórgos Séféris. Écœuré de la tournure des événements liés à la supposée indépendance de Chypre, écarté déjà des négociations, le diplomate avait alors demandé son retour à Athènes. La photo de son départ de Londres tant désiré et en voiture est désormais publiée, Séféris avait été ainsi photographié pour les circonstances historiques.

Chat de Nauplie. Juin 2020

Londres, Upper Brook Street, départ, lundi, le 20 août 1962. Puis, Dover, Calais, Laon, Beaune, Lyon, Vienne, Montélimar, Orange, Avignon et enfin Marseille. Vendredi 24 août embarquement à bord du “Marseille”. Mardi 28 août arrivée enfin au Pirée. Ce blog reviendra sur le détail relaté de ce voyage de Séféris, dès que possible. Car le poète était aussi un bon photographe lorsque l’occasion se présentait. Des expositions ont été organisées ces dernières années en Grèce pour monter cet autre visage du grand poète, la presse en a publié même certaines photos, dont celle réalisée depuis la grotte d’Ádonis au Liban en 1950.

Depuis la grotte d’Ádonis. Photo de Séféris, Liban en 1950

La photographie était encore et surtout une pratique onéreuse, voire un art. Le Smartphone... compresseur est arrivé comme on sait un petit siècle plus tard... avec les campagnes de stérilisation des animaux adespotes qui sont toujours les nôtres.

La pauvreté est pourtant désormais synonyme de misère connectée, les photos des classes aisées ont alors cédé la plage aux images numériques des affaires classées... s’agissant surtout et autant des nôtres. Sans les Agapes !
Campagne de stérilisation. Péloponnèse, juin 2020


* Photo de couverture: Danse. Photo de Nikólaos Tombázis. Mycènes, septembre 1953