Greek Crisis
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Tuesday, 14 July 2020

World order
L'ordre du monde



Été grec parsemé de nuages. Le tout petit pays encore réel vit de sa pêche, des oliviers et des souvenirs. La prise est chaque fois maigre, cependant, elle reste largement suffisante pour remplir la poêle du jour. Les filets sont fatigués, par endroits même déchirés par les coquillages dévoreurs de poisson capturé. Nous y sommes. Entourés de bêtes comme d’autres merveilles du vivant, nous deviendrons peut-être plus intelligents, si ce n’est que par un temps à moitié figé comme en ce moment. Entourés de la sorte, notre sociabilité s’élargit, voire elle s’embellit.

Après la pêche. Argolide, juillet 2020

Comme après chaque sortie en mer, on allumera un cierge à la petite chapelle remerciant les divinités. Saint-Nicolas comme jadis Poséidon protégeant les siens. Lorsque la mer le permet et en absence de réseau routier, hormis quelques rares sentiers que la nature bientôt finira par avaler pour toujours, les habitants iront faire le tour des chapelles des promontoires. “Car il faut les honorer, les nettoyer, allumer les cierges et même prier régulièrement.”

“Il n’y a jamais eu de prêtre habitant ici de manière constante, en tout cas après la guerre. C’est à la saison des olives qu’un pope alors venait pour y travailler au moment de la récolte et ainsi avoir sa part ; essentiellement son huile pour année. Il ouvrait ainsi nos chapelles pour célébrer la messe, surtout chaque dimanche. Les temps étaient durs mais nous vivions en bien meilleure autarcie qu’aujourd’hui. Notre terre donnait certes peu, d’où le besoin de cultiver partout où c’était alors possible. Nous cultivions notre blé et autant de l’avoine pour nos bêtes. Et lorsque les années manquaient de pluie, nos récoltes étaient à leur tour maigres.”

Entourés de bêtes. Argolide, juillet 2020

Notre sociabilité s'élargît. Argolide, juillet 2020

En cette Argolide encore rare, les vrais trésors sont, il faut le dire, issus du terre-à-terre ou sinon pélagiques. Souvent, les animaux omniprésents feront autant à leur guise, y compris pour ce qui tient de la chasse aux... trésors. L’autre jour, les chèvres ont renversé le vieux coffre des habitants servant à entreposer objets, fruits et autres légumes avant de les monter jusqu’aux maisons dominant la colline.

Et quant aux deux ânesses, elles ont découvert la pastèque cachée près du vieux caïque désossé, elles en ont dévoré une bonne moitié. Eléni n’a pu sauver que l’autre moitié restante, lançant même mais sans grand succès la chienne contre les ânesses. “Elles sont terribles, elles n’écoutent jamais... mais c’est la nature des choses”, soupire-t-elle. Voilà pour ce qui est enfin des préoccupations... dans l’ordre du monde.

Les vrais trésors. Argolide, juillet 2020

Les chèvres ont renversé le vieux coffre. Argolide, juillet 2020

Les ânesses et la pastèque. Argolide, juillet 2020

Ici on peut alors sauver la moitié d’une pastèque comme on sauve parfois son pays désormais qu’à moitié... et encore. Sinon, les souvenirs restent vifs au fil des années qui passent. En bien d’autres temps, les Allemands avaient débarqué par ici, arrivés à bord d’un bateau fait de ciment. La procédure se voulait alors économe de l’acier pour le funeste Reich des années 1940 et quant à l’opération, elle visait à encercler les maquisards du coin.

“J’étais enfant mais je me souviens toujours de cette visite. Ces Allemands ont d’abord été organisés et francs. Lorsque par exemple ils nous menaçaient, on savait que c’était pour du vrai. Ils avaient occupé toute la plage durant trois jours. Pendant que leurs soldats se positionnaient dans le maquis en embuscade, d’autres nous volaient notre bétail. Ils avaient capturé environ vingt chèvres, lesquelles ont été sitôt tuées et cuites sur place pour les besoins... alimentaires de cette troupe. Les observant de loin, mon père nous disait que parmi ces Allemands, certains devaient certainement posséder tout l’art du boucher car ils savaient alors faire dans les règles.” Surtout dans les règles.

Les chèvres d'ici. Argolide, juillet 2020

Les chats d’ici. Argolide, juillet 2020

“Ensuite, notre région avait été placée sous l’administration de l’armée d’Italie. Les Italiens c’était alors autre chose. Ils nous réclamaient tout le troupeau, puis, lorsque mon père leur donnait une chèvre ils partaient avec alors contents, ils nous offraient même un peu de vin parfois... et on finissait par rigoler ensemble. Mais vers 1943 les Allemands ont capturé les Italiens faisant régner de leur ordre plutôt terrible jusqu’à la fin.”

“Mon oncle qui cachait des Anglais, ceux qui n’avaient pas pu quitter la Grèce en mai 1941, a même failli y passer. Les Anglais ont été trahis et ils se sont livrés eux-mêmes pour ne pas faire courir le grand risque aux habitants. C’était un jour de Printemps, il faisait beau et les Italiens n’étaient pas encore partis. La scène est encore racontée par les ainés lors des repas. Lorsque les Anglais se sont livrés aux Italiens, nous avons assisté à des accolades et à des salutations plus que cordiales entre les deux troupes. La suite bien naturellement nous l’ignorons.”

On se souviendra autant d’Asíni, lieu de cette Argolide plutôt proche, son Acropole à la fois antique comme également lieu de mémoire de la Guerre des années 1940 lorsque l’Armée Italienne y installa les siens. Sur place en ce moment cette histoire est alors retracée, on y découvre par exemple outre les abris aménagés, ces rares photos montrant les soldats Italiens en ces lieux. Mais c’était avant qu’ils ne soient capturés par les Allemands... la suite bien naturellement nous l’ignorons. Asíni, lieu autant poétique, immortalisé par Yórgos Séféris qui visita l’Acropole avant la Seconde guerre mondiale.

Asíni de l'archéologie. Argolide, juillet 2020

Asíni des soldats Italiens. Argolide, juillet 2020

Bidon à essence des années 1940. Argolide, juillet 2020

Sauf qu’en 2020... les arrivées sont parfois d’une autre tonalité. Ceux des classes aisées nous arrivent par yacht interposé... voire par hélicoptère, lorsqu’il s’agit de rejoindre leurs salons alors flottants. Les gens d’ici en ont l’habitude, c’est disons-le, de notre monde qui n’évolue visiblement guère à travers les siècles. “Ces gens sont rarement paisibles. Ils emmènent souvent de leur bruit, musiques, engins qui font du bruit nous ne les comprenons pas. Du bruit, ils en ont chez eux, en ville, riches ou pas même, peu importe, ils ne viennent pas écouter la mer, suivre les cigales, entendre les animaux. Le monde n’est plus.”

En effet. Ces gens arrivent par hélicoptère... pour ainsi marcher sur l’eau. De la technologie alors jusqu’au bout, prétendument dompteuse de la nature. La chimère de l’Occident devenue chimère la planète, s’éloignant d’Aristote, d’Athènes comme de Rome. Le Protestantisme et le capitalisme sont passés par là et ce n’est pas rien. On marche ainsi et toujours et depuis sur la tête. Nos pêcheurs hochent d’ailleurs la tête pour ne plus prêter d’attention à de tels événements. “Nous ne sommes guère jaloux, ce n’est pas cela la richesse. Ensuite et par les temps qui courent, nous nous méfions tout de même des gens qui passent par là à cause du COVID-19. Les frontières sont désormais ouvertes au tourisme et voilà que la maladie est de retour chez nous. Plus de 70 cas détectés par jour d’après la télévision, essentiellement importés. Nous ne le sentons pas vraiment cet été.”

Ces gens arrivent par hélicoptère. Argolide, juillet 2020

Pour ainsi marcher sur l’eau. Argolide, juillet 2020

La Grèce est inquiète. Pour un tourisme qui tourne à 20%, les effets supposés du confinement et du pays ainsi peu touché par le COVID-19 volent en éclats. Déjà que pour près du 70% des sondés avant l’ouverture de la saison... morte, les frontières devaient rester fermées. De la saison morte... à la saison mortifère il n’y a peut-être qu’un pas, en tout cas pour l’essentiel des mentalités.

Ceux de ma famille en Thessalie, joints par téléphone me disent qu’en Thessalie c’est de nouveau la panique et que les gens se remettent aux masques dans les boutiques. D’après le pharmacien de notre village thessalien, “Mitsotákis a fait là une bien grosse bourde car la situation risque de ne plus être récupérable à terme”. Nous voilà donc bien repartis dans l’affaire du COVID-19. Les touristes et autant les Grecs de la diaspora, feront tout pour venir ou revenir au pays, y compris lorsque les aéroports de leurs pays ne figurent pas dans la liste des admissibles. Ainsi, on a vu des Brésiliens passer par la Suisse, autant que d’autres nationalités que l’on présente comme “alarmantes”. Ensuite, il n’y a guère de secret dans ces affaires. On ne fait pas impunément du tourisme... “la grande industrie nationale”, en Grèce comme partout ailleurs où c’est le cas.

Informés par les médias, les pécheurs d’ici savent que de nouveaux cas se déclarent alors un peu partout et que le gouvernement vient d’ouvrir dans l’urgence de nouvelles unités COVID-19 dans les hôpitaux sous-équipés de certaines îles. Dans le même ordre d’idées rapides, deux avions médicalisés viennent d’être affrétés pour ainsi couvrir les futures et bien probables... liaisons dangereuses, entre l’archipel grec et la capitale. Sauve qui peut ?

En Argolide, juillet 2020

En Argolide, juillet 2020

En attendant les suites dans cet ultime tableau magique... de l’actualité, le tout petit pays encore réel vivra de sa pêche, des oliviers et des souvenirs. Les prises sont chaque fois maigres mais Saint-Nicolas est là pour les protéger, y compris contre les fléaux du temps présent, alors plus incompréhensibles que jamais.

“Nous appréhendons le moment où il va falloir se rendre à Athènes pour y subir des examens médicaux. Il y a tant de gens de partout qu’y circulent, puis et pour tout dire, on voit que la population de la ville n’est plus partout la même. Les Grecs ont déjà quitté les quartiers que nous avions pu connaître en visitant la capitale dans ces autres années qui furent ainsi les nôtres. Nous en déduisons que c’est toute l’Europe qui est concernée de la sorte par cette nouvelle colonisation... par les migrants. Nous, nous ne voulons plus quitter notre petit coin pour rien au monde. Jusqu’au bout. Nous ne voulons pas voir ce qui s’y passe ailleurs... nous finirons nos jours ici sur notre terre et c’est peut-être du luxe. Voilà le vrai luxe en non pas l’hélicoptère”. Rires !

La pêche. Argolide, juillet 2020

Maigre prise mais suffisante. Argolide, juillet 2020

L’Argolide, l’Archipel, ses îles. “Ces îles qui s’élèvent et qui disparaissent à chaque instant sont comme des pensées agréables qui se succèdent.” La phrase, citée par Yórgos Séféris dans son “Journal” à la date du 24 mai 1960 est du Philhellène Italien Conte Giuseppe Pecchio, “Relazione degli avvenimenti della Grecia nella primavera del 1825” dans son édition française de 1926.

Ou sinon comme l’écrit Séféris à sa manière, “la Grèce, ce lieu où le ciel et l’enfer se marient davantage qu’ailleurs”, “Journal”, 12 mai 1960.

Nos filets sont certes un peu fatigués mais pas nous. Les... coquilles dévoreuses de peuples capturés feront sans doute aussi leur temps. On songera ainsi de nouveau à Aristote, à Anaximandre, voire, à Saint-Nicolas, entourés comme nous sommes de bêtes comme d’autres merveilles du vivant. Notre sociabilité d’ailleurs s’élargit et s’embellit. Hermès de greekcrisis ne dira pas le contraire.

Voilà pour ce qui est enfin de préoccupations... dans l’ordre du monde !
Hermès de greekcrisis. Argolide, juillet 2020


* Photo de couverture: Nos prises sont maigres. Argolide, juillet 2020